Blake Diallo, le frère de la victime présumée du directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, s’est exprimé mardi à la presse devant le 2115, son café de Harlem, à New York. Les habitants suivaient le cours des événements sur les trottoirs. Reportage.
« On n’a pas le droit de nous filmer, nous on travaille ici ! », s’emporte une serveuse du café 2115, un foulard sur la tête, vers 18 heures. Visées par de très impressionnants objectifs, ses deux autres collègues tentent de servir les habitués : sandwichs, « riz woloff », « agneau dibi » et autres boissons chaudes.
Pourquoi toute cette agitation, se demandent les passants comme les fidèles clients de ce café très en vogue dans la communauté africaine, situé entre Frederick Douglas Boulevard et la 114e rue ? Blake Diallo, le frère aîné de Nafissatou Diallo, la victime présumée du viol dont est accusé Dominique Strauss-Kahn, n’est autre que le manager du petit restaurant guinéen. Il loge au premier étage, et devrait sortir de ses quartiers pour affronter la cinquantaine de journalistes présents sur place. Ce quadragénaire Peul, en veste de tailleur, avec un bandana noir et jaune autour du cou, est visiblement hésitant. Il fait quelques apparitions par l’embrasure de la porte arrière du café, qui communique avec l’étage. Un Africain de très grande taille, visiblement remonté contre les médias et proche de Blake Diallo, conseille à ce dernier de « ne pas parler ». Tous découvrent l’univers médiatique, ses demandes incessantes d’interviews, et ne savent guère comment réagir.
L’air abattu et fatigué, Blake Diallo finit par trouver le courage de s’exprimer. Il explique que sa sœur « se remet tout doucement », avant de demander aux journalistes de « le laisser tranquille ». Le gérant a toujours été discret. Ainsi, s’ils connaissent bien le café, car il est « bien et pas cher », les habitants du quartier ne connaissent le frère de la victime présumée que de vue car « il ne parle pas ». Le propriétaire, Ibrahim Fofana, également présent sur les lieux, ajoute : « elle est très gentille, très gaie, elle ne peut pas avoir inventé tout ça ! »
Au lavomatique situé juste à côté du café et dans la rue, les habitants peinent à comprendre cet empressement médiatique. Ainsi, Elhadji, d’origine sénégalaise, ne se « laisse pas emporter par l’émotion ». Pour ce juriste de formation qui aujourd’hui « se débrouille pour vivre, comme tout le monde ici », la présomption d’innocence est quelque chose de « sacré ». Le Gambien Sulayman se fait soupçonneux : « Il y a forcément quelque chose derrière. Il [Dominique Strauss-Kahn ] ne serait pas si stupide ! » Ce n’est pas la nigériane Marita qui dira le contraire : elle va jusqu’à parler d’un « traquenard ». « Ça peut arriver à tout le monde d’oublier un portable, non ? », s’exclame t-elle. Une jeune femme juste à côté d’elle surenchérit : « Si les Français le veulent vraiment comme président, ils doivent se battre pour lui ! »
José, qui est né et a grandi à Harlem, vend de l’encens dans son petit caddie à roulettes. Il vient de découvrir « l’affaire DSK ». Il ne l’appelle pas encore « le Dominique » comme la plupart des habitants ici. Pour lui, l’ « argent rend fou », le directeur du FMI a connu le même dérapage que Michael Jackson ou Lindsay Lohan. Mais surtout, il s’interroge sur le séisme politique qu’on lui décrit. « Ils ne peuvent pas trouver un autre candidat ? », se demande-t-il, songeur.
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