Le procureur a requis la peine de mort, mardi à Tripoli, dans le procès en appel des cinq infirmières bulgares et du médecin palestinien accusés d’avoir inoculé le virus du sida à plus de 400 enfants libyens. L’affaire, dans laquelle la défense n’a pas pu faire valoir tous ses droits, est reportée au 5 septembre pour la plaidoirie des avocats de victimes.
« Les preuves ayant été établies et après les aveux des accusés et les déclarations des témoins, je requiers la peine extrême, qui est la peine de mort » et des « indemnités plus substantielles » que celles accordées par la Libye aux victimes de l’attentat de Lockerbie (Ecosse), en 1988. Soit 10 millions de dollars (environ 7,8 millions d’euros) par famille de victime. Le réquisitoire du procureur Omar Abdoulkhalek, mardi à Tripoli, est tombé comme un couperet. Sa requête amenuise l’espoir de liberté pour les cinq infirmières bulgares et le médecin palestinien, jugés en appel depuis le 11 mai dernier parce qu’accusés d’avoir inoculé le virus du sida à 426 enfants libyens. Alors que les Etats-Unis ont, une nouvelle fois, demandé leur libération, le procès, ajourné en juillet et en août, reprendra le 5 septembre avec les plaidoiries des avocats des victimes.
Une affaire au cours de laquelle la défense n’a pas pu abattre toutes ses cartes. Lors des audiences précédentes, trois témoins à charge se sont exprimés. Parmi eux, une jeune Libyenne qui assure que l’une des accusées lui a « administré une injection de force », sans lui en préciser le contenu. Mais la cour n’a pu entendre aucun des dix témoins cités par la défense : ils ne s’étaient pas présentés au tribunal. Par ailleurs, les autorités compétentes n’ont pas convoqué les experts étrangers qui avaient affirmé, au premier procès, que l’épidémie de sida existait avant l’arrivée à l’hôpital de Benghazi (Nord-Est) des six accusés. Des accusés, condamnés en première instance le 6 mai 2004, qui ont toujours plaidé leur innocence et affirment avoir été torturés pour qu’ils avouent. Ces spécialistes estimaient que les mauvaises conditions d’hygiène dans l’établissement étaient en cause. Enfin, une partie des défenseurs n’a pas été autorisée à plaider.
La « condamnation à mort ferme les possibilités »
Chejana Dimitrova, Nasya Nenova, Valentina Siropolu, Christiana Valcheva, Valia Tcherveniachka et d’Achraf Alhajouj, incarcérés depuis 1999, sont « à bout », selon leurs avocats. Le Français Emmanuel Altit, l’un de leurs défenseurs, « regrette que les autorités bulgares et les diplomates aient paru considérer le processus judiciaire comme un ‘théâtre d’ombres’ et n’aient pas pesé davantage en exigeant le respect des droits de l’Homme et des droits de la défense », rapporte Le Figaro. L’avocat estime, par ailleurs, que « ce nouvel appel à une condamnation à mort ferme les possibilités » ou réduira la marge de manoeuvre des autorités politiques, selon le journal français.
Des tractations souterraines seraient en cours entre Sofia et Tripoli, et les autorités françaises ne seraient pas en reste. La Bulgarie espèrerait notamment que ses ressortissantes écopent d’une peine à perpétuité qu’elles purgeraient hors des frontières libyennes. Elle a refusé de payer les 10 millions de dollars que demandent les familles de victimes des enfants atteints, dont 51 sont décédés. Toutefois, elle s’est associée aux Etats-Unis et à l’Union Européenne (UE) pour créer un fonds d’indemnisation des victimes. L’UE finance, en partie, la formation des infirmières et médecins libyens qui font face aux enfants atteints du sida, dont certains sont pris en charge en France et en Italie.