Le juge Adly Mansour a succédé ce jeudi à Mohamed Morsi, destitué mercredi soir par l’armée de sa fonction de Président de l’Etat égyptien. Peu connu du public, Adly Mansour est présenté comme une personne pragmatique. Qui est-il ?
Le Président de la Haute Cour constitutionnelle, Adly Mansour a succédé ce jeudi à Mohamed Morsi à la Présidence de l’Egypte. Le nouveau dirigeant par intérim, pourtant peu connu du grand public, malgré le poste qu’il occupait, est désigné comme une personne pragmatique. Et de fait, le peuple égyptien a besoin d’être rassuré, après plusieurs mois de manifestations houleuses. La position dite « neutre » du personnage devrait tempérer la situation et calmer les esprits des millions d’Egyptiens qui ont, avec l’aide de l’armée, mis sur le banc de touche un président élu démocratiquement, mais dont l’appétit pour le pouvoir et ses dérives ont freiné la transition démocratique dans le pays.
Ainsi, Adly Mansour, les cheveux grisonnants, grosses lunettes, les lèvres pincées et serrées, a prêté serment ce jeudi matin, en direct à la télévision. Il s’est engagé à « protéger le système républicain ». Nommé à la Présidence de la Haute Cour constitutionnelle à la mi-mai, Mansour n’a commencé à occuper ses fonctions qu’au 1er juillet. En seulement trois jours, cet inconnu passe donc du poste suprême de la Cour constitutionnel à celui de Président de la République d’Egypte, le pays arabe le plus peuplé (plus de 83 millions d’habitants).
Le « garant des intérêts du peuple »
Dans son allocution, le sexagénaire, père de trois enfants, a rendu « hommage » au peuple égyptien, à l’armée et aux médias. Voilà bien longtemps que le travail des médias n’a pas été salué en Egypte. Serait-ce le feu vert « suprême » d’une libéralisation totale de la liberté d’expression dans le pays ? A sa prise de pouvoir, Mohamed Morsi avait assuré que la liberté d’expression allait être respectée. En vain. Plusieurs personnalités dont le patron d’une chaîne de télévision privée, Tewfik Okacha, et le célèbre présentateur humoriste, Bassem Youssef avaient été accusés de diffamer le Président Morsi. Tous deux avaient été poursuivis par la justice. A son tour, Adly Mansour acceptera-t-il la critique ?
Chose certaine, le magistrat désormais élevé par l’armée au poste de Président a du pain sur la planche. Et même si celui-ci affirme être le nouveau « garant des intérêts du peuple », il dirige désormais un pays profondément divisé après plusieurs jours de manifestations violentes qui ont coûté la vie à plus de 47 personnes en à peine une semaine.
Un parcours inconnu au bataillon
A la différence de Mohamed El-Bardei, 71 ans, désigné leader de l’opposition égyptienne, prix Nobel de la paix, donc bien placé pour mener la transition, Adly Mansour a un parcours peu atypique, bien qu’excellent. Il a obtenu une bourse pour étudier dans la prestigieuse Ecole nationale d’administration (ENA) à Paris. A sa sortie, il entame une longue carrière judiciaire sous le régime de Hosni Moubarak.
Mohamed El-Baradei n’aurait de toute manière pas pu être nommé Président de la transition, bien qu’il ait séduit les milieux de la jeunesse éduquée, des intellectuels et des classes moyennes urbaines. Sa position d’homme « d’en haut », coupé de la réalité, lui a valu certaines critiques, notamment sous le régime de Moubarak. Des clichés du mariage de sa fille Laïla, publiés dans la presse, sur lesquels on aperçoit des coupes de champagne, et des photos de sa fille en maillot de bain, ont choqué une société musulmane conservatrice.
En automne 2011, alors que Le Caire est en proie à de violentes manifestations, suite à la prise de pouvoir du maréchal Hussein Tantaoui, El-Baradei se mêle à la foule et crie sa colère au côté du peuple. Un véritable affront contre l’armée. Son nom a de fait été écarté par le chef actuel des armées, le général Abdel Fattah Al-Sissi. C’est d’ailleurs ce responsable des armées qui a imposé à Morsi un ultimatum de 48 heures pour une sortie de crise. L’heure de la vengeance avait sonné.
La revanche d’Al-Sissi
En pleine crise sur le projet de Constitution, Al-Sissi avait proposé un dialogue national entre le pouvoir et l’opposition. Initialement accepté par Morsi, ce dernier a finalement refusé sous l’impulsion des instances supérieures de la confrérie des Frères musulmans qui avait interdit au Président égyptien de « s’abaisser » à un dialogue d’égal à égal avec ses opposants. Le général n’avait jamais pardonné à Morsi cette trahison de dernière minute. Plus que jamais, l’occasion de donner une correction à Morsi s’est présentée.
Désormais, la Constitution est suspendue et le nouveau Président par intérim va devoir former un nouveau gouvernement et organiser de nouvelles élections. Saura-t-il mener à bien la nouvelle transition démocratique au pays du Nil ? Ou finira-t-il, à l’instar de Hosni Moubarak et Mohamed Morsi, par être chassé du pouvoir par la rue ? Adly Mansour a, dans tous les cas, toutes les cartes en main pour parvenir au bout de la mission qui lui a été confiée et éviter de commettre les mêmes erreurs que son prédécesseur, le « Pharaon ».