L’avocat et opposant politique franco-comorien Me Saïd Larifou a été arrêté lundi juste avant une manifestation organisée par son parti politique à Moroni. Les autorités l’accusent de tentative de coup d’Etat, ce que récuse son entourage. Me Larifou devrait être transféré au parquet de Moroni sous peu.
L’histoire fait grand bruit aux Comores. Me Saïd Larifou, arrêté lundi matin à Moroni, est accusé par les autorités comoriennes de « tentative de coup d’Etat ». Cet avocat franco-comorien, qui travaille à La Réunion et à Paris, devait être transféré au parquet mardi. Le siège de son parti, le Rassemblement pour l’initiative et le développement d’une jeunesse avertie (Ridja), a été perquisitionné lundi en fin d’après-midi. « Trois personnes, dont l’avocat Saïd Larifou et le journaliste français Mourad Aït-Habbouche, se trouvent actuellement en état d’arrestation pour tentative de coup d’Etat », a révélé, lundi soir sur les ondes de radio Comores, le procureur de la République auprès du parquet de Moroni, Idi Bazia.
La troisième personne interpellée serait Philippe Verdon, un autre journaliste français. Arrêté avec Mourad Aït-Habbouche dimanche, il s’est vu confisquer son matériel de reportage. « Me Latifou essayait justement de les faire libérer lorsqu’il a été arrêté », explique Thierry Gangate, avocat à Saint-Denis de La Réunion et ami de Me Larifou. « Cette accusation de tentative de coup d’Etat ne repose sur rien. Saïd Larifou a été vice-président de la Ligue des droits de l’Homme. Pour lui, le respect des libertés est primordial, il est impensable qu’il ait pu fomenter un putsch ! Sa démarche est simplement celle d’un opposant politique. Il dénonce sans cesse la gabegie, la corruption et les politiciens qui s’enrichissent alors que la population meurt de faim. »
Contre la vie chère
Les actions mises en place dernièrement par Me Larifou pourraient justement être à l’origine de son arrestation. Le Ridja a organisé trois grandes manifestations pour protester contre la vie chère et la forte hausse du prix du riz décidée par le gouvernement. La première s’est tenue lundi 15 septembre à Foumbouni, rassemblant quelque 6 000 manifestants, la deuxième, jeudi 18, a fédéré plusieurs milliers de personnes à Mbeni, chef-lieu de la région de Hamahamet. Saïd Larifou devait conduire celle de Moroni, lundi. Il a été arrêté avant.
« Les manifestations étaient pacifiques et se sont déroulées dans le calme. Malgré les barrages filtrants et la fermeture des stations-service pour empêcher les gens de se déplacer, elles ont eu du succès », explique Thierry Gangate. Celle de Mbeni, notamment, a attiré des manifestants des différentes régions de la Grande Comore. A Moroni, lundi, plus de 5 000 personnes ont défilé depuis le Palais du peuple jusqu’à la place de l’Indépendance, sous la direction d’Achirafi Ahamed, le secrétaire national du Ridja.
Accusation inquiétante
Les services de gendarmerie se montrent peu prolixes sur l’affaire et même le procureur de la République ne peut rien révéler de l’enquête en cours. Mais pour Thierry Gangate, l’accusation de tentative de coup d’Etat est « très inquiétante ». « Pour justifier l’arrestation arbitraire dont a été victime Me Larifou, les autorités ont choisi une inculpation suffisamment importante. Le problème, c’est que Saïd est seul. Deux avocats de La Réunion, venus en observateurs, l’avaient rejoint la semaine dernière mais il n’était pas avec eux au moment de son arrestation. »
Thierry Gangate et les autres avocats qui ont déjà défendu Me Larifou en 2001 lors d’une précédente arrestation, ont d’ores et déjà fait paraître une pétition à Saint-Denis de La Réunion. Celle-ci dénonce « les violations graves à la liberté d’opinion et de la presse » et réclame « la libération de toutes les personnes détenues dans ce cadre ».