Abou Konaté, 36 ans, Français d’origine malienne, est un des rares basketteurs handisports professionnels au monde. Plusieurs fois champion d’Europe avec l’équipe de France, il évolue aujourd’hui à Madrid et se prépare pour Athènes. Découverte d’une star équilibrée qui garde… les roues sur terre.
A 36 ans, Abou Konaté est un sportif complet et épanoui… malgré son handicap. La perte de l’usage de ses jambes ne l’a pas empêché de gravir les marches du succès dans sa discipline : le basket, où il est l’un des seuls professionnels au monde. Ailier et meneur, il avoue être un « très bon défenseur » et affiche 15 à 20 points par match. Trois fois champion d’Europe avec l’équipe de France, il se prépare aujourd’hui pour les Jeux Olympiques d’Athènes de cet été.
Afrik : Comment êtes-vous devenu handicapé ?
Abou Konaté : Comme de nombreuses personnes en Afrique, j’ai attrapé la polio tout petit, probablement en me baignant dans le fleuve Niger. J’avais 3 ans et je suis devenu paralysé des jambes. Vu les difficultés de la vie quotidienne dans mon pays, je devais me débrouiller tout seul pour essayé d’être autonome. Au départ, mes parents ne savaient pas ce que j’avais et j’ai eu la chance qu’ils viennent en France pour me faire ausculter par des médecins. J’ai alors immédiatement été placé dans un centre de rééducation à Paris. Et ma famille est restée en France pour que je puisse suivre mon traitement.
Afrik : Quand avez-vous attrapé le virus du basket ?
Abou Konaté : Dans le cadre de la rééducation, on vous fait pratiquer de nombreux sports. J’ai découvert le ping-pong, le tennis, la natation… et j’ai fait de l’athlétisme et du basket à haut niveau. En fait, ma passion pour le basket est le fruit d’un hasard. Comme je n’avais pas de voiture, un groupe d’amis basketteurs me prenait en charge et c’est avec eux que je pratiquais le plus la discipline. Si ces amis m’avaient emmené faire de l’athlétisme, ma vie aurait peut-être pris un autre cours… Quoiqu’il en soit, c’est à 15 ans que j’ai décidé de devenir basketteur professionnel. J’ai débuté au Club de Noisy-le-Grand, à 18 ans. J’y suis resté de 1986 à 1989. J’ai été bien encadré au départ. Il y avait peu de moyens mais une grande envie de jouer.
Afrik : Depuis ce premier club, vous avez évolué dans deux autres clubs français, deux clubs italiens et vous êtes depuis 2002 à Madrid… Vous êtes une star dans votre discipline !
Abou Konaté : Pour Madrid, j’ai été repéré lors de compétitions internationales. Ma cote a augmenté dernièrement car je suis dans une forme olympique ! Je viens d’être sélectionné pour les Jeux Olympiques d’Athènes avec l’équipe de France et c’est une énorme motivation pour moi. Ce sera ma première participation à cette compétition, après plusieurs championnats d’Europe et du monde. C’est vrai que j’ai une certaine notoriété dans le milieu car peu de sportifs handisport sont professionnels comme moi et peuvent vivre de leur passion. De ce côté-là, je sais que je suis chanceux par rapport à tous ceux qui caressent le même rêve et sont obligés de travailler à côté. C’est dommage car les sportifs handisport ont acquis aujourd’hui des niveaux impressionnants et ils peuvent s’appuyer sur du matériel de plus en plus performant.
Afrik : Justement, vous avez négocié dernièrement un sponsoring avec le fabricant anglais de fauteuils roulants RGK… ce qui est également rare dans le milieu du handisport !
Abou Konaté : Nous sommes peu à représenter des marques mais dans chaque pays, les plus grands joueurs sont tout de même représentés par une marque de fauteuil. Ce n’est pas donné à tout le monde car nous ne sommes pas assez médiatisés, c’est le problème.
Afrik : Vous retournez souvent au Mali ?
Abou Konaté : Dès que je peux car j’ai encore beaucoup de famille là-bas. Je veux m’investir dans le pays car il y a une foule de choses à faire. J’aimerais former des joueurs, organiser un championnat et pourquoi pas créer une équipe nationale. Mais je sais qu’il faut garder les roues sur terre… la priorité pour les Africains handicapés n’est pas de faire du sport ou de s’acheter un nouveau fauteuil mais de manger et de faire vivre la famille. Mais la situation des handicapés au Mali me donne envie de faire quelque chose. Après les JO je prévois d’ailleurs d’organiser un match de démonstration à Bamako. Il faut commencer par de petites exhibitions, des rencontres avec des kinés, des médecins, des sportifs, pour faire changer les mentalités. On s’imagine toujours qu’une personne en fauteuil roulant ne peut rien faire alors qu’il y a toute une vie autour et la possibilité de s’entraîner. De plus, l’Afrique a un potentiel de joueurs handisport : contrairement aux paraplégiques occidentaux dont la mobilité est plus réduite, les victimes de la polio ne sont touchés qu’au niveau des jambes. Physiquement, ils sont prédisposés au basket et à l’athlétisme.
Afrik : Vous êtes prêt pour Athènes ?
Abou Konaté : Oui ! L’entraînement a commencé en février dernier. Nous avons cette année une très grande équipe et je suis confiant. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas eu une équipe française aussi forte et aussi complète à tous les postes.
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