Abel Goumba est décédé lundi, à Bangui, à l’âge de 83 ans. C’est le dernier homme politique centrafricain de la période des indépendances à s’éteindre, laissant derrière lui un parcours remarquable.Il a passé 49 années dans l’opposition et s’est présenté cinq fois aux élections présidentielles en Centrafrique, sans succès. Le doyen des opposants centrafricains de la lutte démocratique était professeur de médecine, enseignant chercheur, écrivain et fondateur du Front patriotique pour le Progrès (FPP).
Surnommé « Mamboko a vourou », signifiant «mains propres» en songo, et « Professeur Tournessol », Abel Goumba était connu pour son intégrité, sa droiture et son érudition. Sa disparition ne laisse pas seulement en deuil la Centrafrique, mais toute l’Afrique.
Un parcours exceptionnel
Né le 18 septembre 1926 à Grimari, à 306 km de Bangui, le fondateur du FPP entame sa scolarité en Centrafrique avant de se rendre à Dakar au Sénégal pour poursuivre ses études de médecine, obtenir en 1968 son doctorat à Bordeaux, puis l’agrégation en médecine de santé publique en 1971 à Paris, en France.
Sa carrière politique débute pendant la colonisation française. Ministre des Finances de Barthélémy Boganda (Père de l’Indépendance de la centrafrique) en 1958, il assure pendant un mois la présidence intérimaire à la mort de ce dernier en 1959, avant de céder le pouvoir à David Dacko qui l’emprisonne et le pousse à l’exil.
Abel Goumba devient alors fonctionnaire de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), militant de l’extérieur pour le renversement de Bokassa, au pouvoir depuis 1966 à la suite d’un coup d’Etat. Il rentre en Centrafrique en 1979 et est candidat malheureux à la présidentielle de 1981, remportée par David Dacko. Ce dernier est renversé la même année par le général André Kolingba. Le professeur de médecine est alors nommé recteur de l’Université de Bangui et se présente aux présidentielles de 1993 et 1999, remportées par Ange-Félix Patassé.
Six ans de « gloire »
La carrière politique d’Abel Goumba a pris un tournant décisif avec le coup d’Etat, le 15 mars 2003 du général François Bozizé. A l’époque, Président de la Concertation des Partis Politiques de l’Opposition (CPPO), il a qualifié le coup d’Etat de Bozizé d’ « un sursaut patriotique ». Il sera ensuite nommé Premier ministre, de mars à décembre 2003, puis vice président le 12 décembre 2003 avant d’occuper son dernier poste, médiateur de la république.
Il laisse derrière lui, ce 11 mai 2009, 15 enfants dont son fils aîné, Alexandre Goumba, président contesté du FPP depuis le 12 mars 2006.
Témoignages
Plusieurs autorités ont adressé leurs condoléances à la famille du défunt. Elles ont aussi témoigné de son parcours prodigieux et exceptionnel. Le Chef du gouvernement centrafricain, Faustin Archange Touadera et le Président de l’Assemblée Nationale, Célestin Leroy Gaombalet se sont succédés à la morgue de l’hôpital communautaire de Bangui, où ils se sont recueillis sur le corps du disparu.
Abel Goumba était aussi un homme de lettres. Il a publié récemment ses mémoires, deux livres éclairant l’histoire politique de la République Centrafricaine au XXème siècle. C-CINIA Communication, éditeur des ouvrages d’Abel Goumba, représenté par le Pasteur Shebuel Mowhou, a adressé dans un communiqué, ses condoléance à la famille du défunt. Pour lui, « l’homme a des capacités intellectuelles rares. Il a toujours dit non au paternalisme sous quelle que forme que ce soit, non au gaspillage de deniers publics. Oui à la méritocratie, oui à l’accession au pouvoir par les urnes ». Interrogé par téléphone, le Pasteur Shebuel Mowhou a déclaré à Afrik.com qu’Abel Goumba est « un démocrate qui combat les idées avec les idées ».
Le président du Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain (MLPC), Martin Ziguélé, joint au téléphone, a indiqué à Afrik.com qu’il a appris la nouvelle avec « beaucoup de tristesses ». Selon l’ancien premier ministre, « Abel Goumba est le compagnon de Barthélémy Boganda, fondateur de la République Centrafricaine. Il s’est battu avec lui pour l’indépendance. C’est un homme politique de taille qui a toujours lutté pour la démocratie. Il faut que sa mémoire soit perpétuée et que la lutte pour la démocratie puisse continuer et se réaliser. Au nom du MLPC et en mon nom propre, je présente à sa famille et ses partisans mes condoléances ».
Le professeur Abel Goumba était une figure emblématique de la lutte pour la démocratie et les droits de l’Homme en Centrafrique. Du temps des indépendances aux différents régimes militaires et dictatoriaux de tous les locataires du palais de la renaissance de Bangui, « Professeur Tournesol » a toujours décrié le monopartisme, le refus du partage de pouvoir. Cela lui a valu des pérégrinations dans différentes prisons du pays, de Kassai, à Ngaragba, en passant par Birao et Kouango. La nation lui rendra un ultime hommage prochainement, selon le calendrier des funérailles qui sera publié sine die dans un communiqué officiel.
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