Alors que le Président Macky Sall a invoqué des divergences pour justifier le report de l’élection présidentielle, l’ex-ministre Secrétaire général du gouvernement du Sénégal, Abdou Latif Coulibaly, révèle qu’il n’en est rien. Mieux, précise le ministre démissionnaire, « aucun acte de préparation à cette élection n’a été engagé » par les autorités.
Il a claqué la porte aussitôt après la sortie de Macky Sall annonçant le report de la Présidentielle, sine die. Abdou Latif Coulibaly, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a été accroché par le média français RFI. Le désormais ex-ministre Secrétaire général du gouvernement sénégalais fait de grosses révélations. Notamment sur le scrutin censé se tenir le 25 février et qui a été reporté par le dirigeant. L’ancien membre du groupe Sud Communication a d’abord justifié son acte de démission.
« Des moments de l’histoire où on ne doit pas se taire »
« J’ai décidé de partir parce que j’ai envie de retrouver toute ma liberté. Ma liberté de pouvoir exprimer mes opinions, de pouvoir également dire ce que je pense par rapport à ce qui se déroule aujourd’hui dans mon pays », a confié l’ancien ministre. Pour M. Coulibaly, « il y a des moments de l’histoire où on ne doit pas se taire, où on ne doit pas respecter la solidarité gouvernementale au point d’être complètement en-dehors ».
Évoquant la décision de report, le journaliste estime que « le président de la République n’avait pas le pouvoir de le faire, l’Assemblée nationale encore moins ». Non sans préciser : « en 2016, nous avons parcouru le Sénégal et le Président Macky Sall avait raison de procéder à la réforme de la Constitution pour faire en sorte que le mandat du président de la République, dans sa durée comme dans le nombre de mandats, soit érigé en un principe intangible ».
« Pas de mots pour qualifier ça. Ça me dépasse totalement ».
« La loi est sublimée pour faire en sorte que le mandat ait le même caractère et la même nature juridique que l’intangibilité du caractère républicain de l’État sénégalais. Et nous étions d’accord avec lui, et c’était bien de la faire », rappelle l’ancien proche de Macky Sall. Et de déplorer : « aujourd’hui, lui-même décide de renoncer à tout… Je constate simplement que nous avons rejeté tout ce que nous avons dit et tout ce dans quoi nous avions engagé les Sénégalais, en 2016 ».
Abdou Latif Coulibaly va plus loin, convoquant le passé. « Le Président (Macky Sall) lui-même disait, en 2012, quand le Président Obasanjo, venu comme observateur, avait suggéré l’idée de reporter l’élection de 2012, qu’il n’est pas envisageable ni même possible que le président de la République, lui-même, puisse augmenter d’une journée son mandat », poursuit Coulibaly. Sur le report de la Présidentielle, sa position est sans appel. « Je n’ai pas de mots pour qualifier ça. Ça me dépasse totalement », dit-il.
« Personne n’a le droit d’affaiblir la République »
Il assène : « c’est la raison pour laquelle je suis parti. Si j’avais des mots pour qualifier ce qui se passe », s’exclame-t-il. Rappelant qu’il est « un citoyen sénégalais, j’ai toujours dit qu’il y avait deux choses qui étaient essentielles et sacrées pour moi : l’État et la République », Coulibaly insiste : « C’est en la République que nous croyons, c’est avec elle que nous sommes forts, sans elle nous sommes affaiblis. Personne n’a le droit d’affaiblir la République. Ce qui se passe est qu’on affaiblit la République ».
L’ancien Secrétaire général du gouvernement convoque un récent passé. « En 2023, le 3 juillet, avec une lucidité remarquable, le Président se présente aux Sénégalais et leur dit : je ne serai pas candidat, même si la loi m’en donne le droit ». Selon lui, « il aurait été préférable, s’il voulait rester au pouvoir, de s’engager comme Abdoulaye Wade l’avait fait. D’avoir à faire face à des contestations, ce qui aurait été normal… Le dire, le savoir et de faire ce qu’il a fait. C’est encore pire ! ».
« Aucun acte de préparation à cette élection n’a été engagé »
Sur un éventuel accord entre Macky Sall et le PDS, Abdou Latif Coulibaly répond que c’est « évident… sur la démarche et la procédure », rappelant que « la majorité a voté, avec le PDS. Le PDS qui accuse d’ailleurs, de façon très grave, le Premier ministre d’avoir corrompu des magistrats. Et ça, c’est écrit noir sur blanc… ». Le ministre démissionnaire pousse le bouchon encore plus loin. « Je dois préciser, et c’est un prétexte tendancieux, cette histoire de corruption », dit-il, non sans justifier.
« Je suis un élu à l’intérieur du pays. Au moment où je vous parle, je suis dans ma base électorale, ma circonscription. J’ai fait tout le département, qui est ma circonscription. Aucun acte de préparation à cette élection n’a été engagé », révèle cet ancien proche du pouvoir. Et de faire un autre rappel et non des moindres. « Or, au Sénégal, nous avons l’habitude, pendant trois mois, de procéder aux préparatifs de cette élection-là, à l’information des électeurs, au pré-positionnement du matériel. Rien n’a été fait », insiste le ministre démissionnaire.