
Benanteur voyait sa peinture comme une tentative de retour : à la terre, au souffle, au silence. Longtemps ignoré dans son pays natal, le peintre Abdallah Benanteur est aujourd’hui redécouvert en Algérie. Un artiste majeur de la diaspora, dont l’œuvre spirituelle et enracinée réinvente le lien entre mémoire, exil et lumière intérieure.
Un peintre de la terre natale… depuis l’exil
Né à Mostaganem, sur la côte ouest algérienne, Abdallah Benanteur quitte l’Algérie coloniale en 1953 pour s’installer à Paris. Il y poursuivra une carrière libre, loin des académismes, mais sans jamais cesser de peindre son pays natal.
Chez lui, l’exil n’est pas une rupture : c’est un prolongement intérieur. Toute sa peinture, de ses premières toiles aux grands formats des années 2000, est traversée par la lumière des paysages algériens, le souffle du soufisme et la mémoire des racines. Peindre, disait-il parfois, c’était « une façon d’approcher ce qui ne peut se dire autrement ».
Une œuvre profondément algérienne

Benanteur n’a jamais réellement quitté son pays. Il l’a habité autrement : dans les couleurs de la terre, dans la verticalité des arbres, dans la trace des lettres arabes esquissées sur la toile. Il peignait l’Algérie essentielle, celle de l’enfance, de la spiritualité, de la beauté nue.
Ses paysages sont intérieurs, mais reconnaissables : la plaine de Mostaganem, les collines de l’Oranie, la mer lointaine. Il ne les représente pas, il les invoque. Il les fait surgir sous des formes libres, vibrantes, qui mêlent abstraction et souvenir.
Calligraphie, souffle et poésie
Benanteur fut aussi un maître du livre d’artiste. Il collabora avec de nombreux poètes – René Char, Salah Stétié, Michel Butor – et développa un langage plastique où la calligraphie devient rythme, souffle, chant.
L’écriture arabe, omniprésente dans son œuvre, n’est jamais décorative : elle est mémoire, mystique, vibration. Elle dit l’Algérie autrement, en creux, en traces. Il confiait que c’était là une manière de « faire chanter les signes sans les enfermer ».
Pour découvrir cet aspect de son œuvre, on peut consulter la galerie Claude Lemand, qui fut l’un de ses principaux soutiens à Paris.
Une reconnaissance tardive mais vivante
Longtemps, l’Algérie est restée distante. Trop abstrait, trop « intérieur », Benanteur a été marginalisé.

Mais les lignes bougent. Ces dernières années, des institutions algériennes se penchent sur son œuvre. Des expositions ont été organisées à Alger et à Oran. Surtout, Une grande rétrospective est en cours de préparation à Mostaganem. L’occasion de redonner à l’un de ses plus grands fils la place qui lui revient dans l’histoire de l’art algérien.
Dans une analyse publiée par Insaniyat, revue de sciences sociales algérienne, l’historienne Fatma Zohra Zamoum souligne ce manque de reconnaissance nationale et appelle à « réinscrire Benanteur dans l’histoire de l’art algérien » Elle a été entendu
Un legs pour les générations futures
Abdallah Benanteur est mort à Paris en 2017. Mais il n’a jamais cessé d’habiter l’Algérie. Sa peinture, intime et vibrante, constitue aujourd’hui un repère pour de jeunes artistes algériens à la recherche de formes enracinées et libres.
En redonnant sa place à Benanteur, l’Algérie honore une fidélité, une poésie, une manière d’aimer le pays sans bruit, sans drapeau, sans posture.
C’est un retour. Un juste retour.