» Dans les ténèbres gîtent les aigles « , pièce de théâtre adaptée du livre de Messaoud Benyoucef, se veut une invitation à partager un pan de l’histoire de la guerre d’indépendance de l’Algérie entre 1954 et 1962. Bel hommage que celui rendu à Abane Ramdane et Frantz Fanon qui sacrifièrent leur vie pour la liberté des peuples opprimés.
Dans le cadre de Djazaïr 2003, année de l’Algérie en France, le théâtre de l’Epée de bois a accueilli dimanche 6 avril dernier la pièce Dans les ténèbres gîtent les aigles de Messaoud Benyoucef mise en scène par Claude Alice Peyrottes. Les six comédiens transportent progressivement les spectateurs dans une Algérie en proie à une guerre portée sur scène par deux hommes au destin universel : Abane Ramdane et Frantz Fanon.
La rencontre de deux Hommes
Marqué par l’existentialisme sartrien, Frantz Fanon prend au mot ses maîtres à penser et s’engage à 18 ans dans les Forces françaises libres lors de la deuxième Guerre Mondiale. Décidé à révolutionner l’asile psychiatrique, il se retrouve à Blida en Algérie face à une situation gangrenée par le racisme colonial. Sa rencontre, le 30 décembre 1956, avec Abane Ramdane, architecte de l’édification d’une République d’Algérie démocratique et sociale, va accélérer son engagement dans la défense de la dignité humaine.
Enfermé en 1950 pour appartenance au parti du Peuple algérien, le principal mouvement indépendantiste, Abane Ramdane est libéré en janvier 1955 après cinq années de détention. Il rejoint ensuite les rangs de l’insurrection qui vient d’éclater. Un chemin qui le conduira à rencontrer Frantz Fanon.
Les deux hommes, au prix de leur vie, s’engagent dans une lutte pour la libération du peuple algérien du joug colonial. Au fort de la bataille, ils établiront leur quartier général à Tunis pour répondre à » l’envahisseur » depuis l’extérieur. Et puis les compagnons de lutte s’en vont, séparés par la vie, séparés par la mort. Abane Ramdane meurt, assassiné, en décembre 1957 au Maroc, Frantz Fanon s’en va quatre ans plus tard un soir de 1961 des suites d’une leucémie. Il part avec l’idée que beaucoup restait encore à accomplir pour la libération des peuples opprimés.
Rêver malgré tout
La pièce, écrite en trois actes : Alger, Tunis, la mort, déjoue les règles du système des trois unités de la dramaturgie classique (lieu, temps, action). L’auteur introduit dans le récit un personnage substitutif, » l’écrivain « , en train d’écrire la pièce qui va se dérouler sous nos yeux. Messaoud Benyoucef, à travers ce personnage fictif, tente de changer le cours d’une histoire déjà écrite. Hélas, le destin, implacable, suit son cours.
Ce voyage de deux heures se déroule dans un décor sobre, » un espace ouvert qui fait résonner le texte » comme le soutient Claude Alice Peyrotte, la metteur en scène. Six comédiens pour 23 personnages – là encore, la distribution est remarquable. Comment rester indifférent face à toute cette charge émotive qu’ils transmettent. Un succès.