Hassan D, ancien journaliste mauritanien, a quitté son pays en 2005 où sa vie était menacée. Arrivé en France, il est confronté à de nouvelles difficultés. Hébergé par des amis puis à la Maison des journalistes (MDJ), il apprend à s’adapter à un nouveau monde et doit renoncer à son métier. Il est désormais éducateur, mais rêve de renouer avec ses premières amours. Le portrait de Hassan D est le premier d’une série que vous propose Afrik.com cette semaine.
Il est peu courant de passer du travail de journaliste à celui d’éducateur. C’est pourtant ce qui est arrivé à Hassan D. Coincé derrière le seul bureau de la petite pièce qui reçoit l’association pour jeunes adultes en difficulté où il travaille, Hassan, Mauritanien de 40 ans, est devenu éducateur par nécessité, sans passer par la case formation et ses trois années d’études.
Enfant, il rêvait d’être président, avocat ou journaliste. Il sera journaliste. En avril 1989, une crise éclate entre la Mauritanie et le Sénégal. Des affrontements font plusieurs centaines de morts. Des milliers de Mauritaniens sont déportés en camions par les autorités du pays au Mali et au Sénégal voisins. Hassan est de ceux-là. Il n’a alors que 18 ans. Il garde de cette époque un goût très prononcé pour la politique. « Elle nous concerne tous, elle concerne aussi l’avenir de ma famille. C’est normal que je m’y intéresse », se justifie t-il.
En 1992, il entre à L’éveil hebdo, journal mauritanien à l’époque quotidiennement censuré. Pour ses écrits, Hassan sera enlevé et torturé à plusieurs reprises. « En 1996, j’ai fui la Mauritanie pour le Sénégal. Ma femme m’y a rejoint par la suite. Je ne me sentais plus en sécurité en Mauritanie », raconte t-il en levant les yeux sur les photos de sa famille épinglées sur les murs de son studio parisien. Fin 1999, il retourne dans son pays. Mais, se sentant menacé, il doit s’exiler à nouveau. En avril 2005, il est intercepté au Sénégal près de la frontière et assigné à résidence dans une région inconnue de la Mauritanie, loin de sa famille. Quatre mois plus tard, il s’exile pour la France. « Je n’avais plus le choix, j’étais loin de tout et les amis qui m’hébergeaient étaient rançonnés par la police par ce qu’ils m’aidaient », confie l’ancien journaliste. « Ce sont eux qui ont organisé ma fuite. Ils sont venus me chercher en pleine nuit pour me conduire à l’aéroport », explique-t-il en bourrant la théière de feuilles de menthe.
Nécessité fait loi
Arrivé en France, une autre galère commence. Il dort dans la rue, est accueilli par des amis, puis pris en charge par l’association France Terre d’Asile. Là-bas, il entend parler de la Maison Des Journalistes. « J’y ai retrouvé ma dignité et de l’intimité. J’ai été reconnu en temps que journaliste alors que RSF disait ne rien pouvoir faire pour moi! », affirme t-il, meurtri. Une étape qui l’aide à se reconstruire mais pas à reprendre le métier. « J’ai frappé à toutes les portes, sans succès. Pour moi, après ce que j’ai vécu, rester dans le métier n’était pas une priorité », ajoute t-il. L’homme décide alors de renoncer au journalisme.
Pourtant, Hassan s’informe toujours autant. Pas si facile de tourner la page. Il est vingt heures. En fond sonore, RFI énonce les titres de son journal. Pour l’entretien, Hassan n’a fait que baisser le son de sa station préférée. Dans quelques mois, voire quelques années, il espère lancer un site d’information et créer une radio au Sénégal ou en Mauritanie. Une façon pour l’ancien journaliste de revenir au métier qui lui colle toujours à la peau.