La marche, qui devait se dérouler ce jeudi matin à Abidjan, pour appeler au boycott de l’élection présidentielle de dimanche, a été annulée, mercredi, en fin de journée. Cette mobilisation était organisée à l’appel de l’ex-candidat du Lider, Mamadou Koulibaly. Jeudi, c’est le quotidien d’opposition « Le Temps » qui a été suspendu temporairement alors que des dizaines d’opposants ont été arrêtés depuis plusieurs semaines.
De notre envoyé spécial à Abidjan,
Sur proposition de Mamadou Koulibaly, membre fondateur de la Coalition nationale pour le changement (CNC), une marche devait être organisée, ce jeudi 22 octobre 2015, à Abidjan, dans le quartier du Plateau, pour appeler la population à boycotter le scrutin de dimanche. Alors que depuis plusieurs jours, les procédures d’autorisation étaient en cours, « la préfecture de police a brusquement interdit la manifestation en fin d’après-midi au alentour de 18h », explique Nahounou Daleba, secrétaire général de la CNC, chargé de la jeunesse.
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Ce jeudi, l’organe de régulation de la presse ivoirienne, le Conseil national de la presse (CNP), a suspendu pour trois parutions le quotidien ivoirien d’opposition Le Temps pour atteinte à « la cohésion sociale et à l’ordre public ». L’institution reproche au journal pro-Gbagbo d’avoir publié une affiche de Mamadou Koulibaly sur laquelle est écrite : « L’heure est arrivée. Osons dire non aux élections truquées ».
Une « contestation démocratique et pacifique »
« La contestation démocratique et pacifique » est la seule voie empruntée par la CNC composée encore officiellement du président du Lider, du FPI tendance Abou Drahamane Sangaré et de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Essy Amara. Face à eux, Kouadio Konan Bertin, dit KKB, et Charles Konan Banny, qui font officiellement encore partie de cette alliance anti-Ouattara, ont tous deux maintenu leur candidature.
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« Leur méthode diffèrent, mais ils ont tous le même but », déclare Nahounou Daleba. Un clivage apparaît néanmoins clairement entre les partisans du boycott et les autres qui pourraient se structurer après le vote de dimanche. Il annonce l’organisation d’autres rassemblements d’envergure dans les prochains jours, sans plus de précision. L’élection de dimanche est dénoncée par l’opposition comme frauduleuse notamment à cause de l’insécurité qui règne sur l’ensemble du territoire et qui empêche à tous les candidats de se rendre dans le nord de la Côte d’Ivoire.
« Une crise post-électorale à chaque élection en Côte d’Ivoire, depuis plus de 15 ans »
Les doublons sur les listes électorales, permettant à une personnes de voter deux fois, et la composition des organes de supervision du processus électoral sont aussi critiqués. Près de deux millions de personnes ne seraient pas inscrites sur la liste électorale qui avait fait l’objet d’un appel au boycott lors de l’enrôlement de la population ivoirienne pendant tout le mois de juin dernier, selon la CNC. Le taux de retrait des cartes d’électeurs dont la distribution s’est achevée mercredi serait également de moins de 50%, selon plusieurs partis.
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« Il y a toujours une crise post-électorale qui éclate à chaque élection en Côte d’Ivoire, depuis plus de 15 ans », justifie-t-il. Même si les deux camps ne sont plus armés comme en 2010, d’autres formes de « désobéissances civiles » peuvent intervenir au lendemain du vote et dégénérer sous la répression du pouvoir en place en de violents affrontements, soutient Nahounou Daleba. En 2010, la rébellion qui soutenait Alassane Ouattara et qui occupait alors la moitié nord du pays, avait conquis militairement le sud, jusqu’à Abidjan, face à une partie de l’armée ivoirienne alliée aux milices pro-Laurent Gbagbo. Cette guerre civile avait causé la mort d’au moins 3 000 personnes.
Des dizaines d’arrestations
Nahounou Daleba est également coordinateur par intérim de la Coalition des indignés de Côte d’Ivoire (CICI), une organisation de la société civile membre de la CNC, évoque également les dizaines d’enlèvement d’opposants politiques qui sont intervenus depuis plusieurs semaines, dénoncés notamment par Amnesty International.
Le coordinateur de la CICI fait partie des personnes arrêtées après avoir appelé à manifester. Il a été condamné à six mois de prison ferme après un jugement expéditif, selon plusieurs ONG. « Les Ivoiriens ne se sentent pas concernés par cette parodie d’élection. Nous nous acheminons vers l’élection la plus impopulaire de notre histoire », a déclaré Essy Amara, mercredi.