À quand les premiers vrais résultats des « franches » discussions entre la CEDEAO et le pouvoir burkinabè ?


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Paul Henri Sandaogo Damiba
Paul Henri Sandaogo Damiba, président de la Transition du Burkina

Depuis l’installation de la junte militaire au Burkina Faso, les missions de la CEDEAO ne cessent de se multiplier dans ce pays. Après chaque rencontre entre les deux parties, il ressort que tout s’est très bien passé, que les discussions ont été franches et sincères. Mais dans le fond, quand on observe de près la situation, rien de concret ne se dessine sur le terrain. En fait, l’institution régionale et les militaires burkinabè n’arrivent pas véritablement à accorder leurs violons. Passons en revue chacune de ces rencontres.

Lundi 31 janvier 2022. Une semaine jour pour jour après le coup d’État qui a emporté le régime de Roch Marc Christian Kaboré, une mission conjointe CEDEAO-ONU a été déléguée au Burkina Faso, après le passage d’émissaires militaires, deux jours plus tôt. Au sortir de cette mission, le chef de délégation, la ministre ghanéenne des Affaires étrangères, Shirley Ayorkor Botchwey avait déclaré que « les discussions ont été très franches », rassurant que les militaires « ont semblé très ouverts aux suggestions et propositions qu’on leur a faites ».

Environ un mois après cette mission, les militaires burkinabè communiquent la durée du pouvoir de transition. C’était le 1er mars 2022. Paul-Henri Sandaogo Damiba et ses lieutenants se sont tapés 36 bons mois à passer à la tête de la patrie des hommes intègres. Il n’est pas dans les habitudes de la CEDEAO d’accepter des transitions aussi étendues dans le temps. L’organisation laisse passer deux semaines avant d’envoyer une nouvelle délégation rencontrer Paul-Henri Sandaogo Damiba.

Une CEDEAO qui balbutie…

Jeudi 17 mars 2022. La délégation atterrit à Ouagadougou. Elle a à sa tête, une fois de plus, Shirley Ayorkor Botchwey. Au menu des échanges, bien évidemment la durée de la transition. Une fois de plus, les discussions ont été « franches », selon la diplomate ghanéenne. Le Président Damiba a expliqué à la délégation « les raisons pour lesquelles la transition devrait durer trois ans, notamment la lutte contre le terrorisme et la résolution de la crise humanitaire ».

Cette rencontre avait suscité l’espoir que la CEDEAO allait accompagner la transition de trois ans au Burkina Faso, d’autant plus que la cheffe de la délégation de l’institution avait déclaré : « Ce qui affecte le Burkina Faso nous affecte tous. Et ce n’est pas dans ces moments difficiles que la CEDEAO va abandonner le Burkina Faso (…) Les chefs d’État de la CEDEAO ont clairement déclaré que le Burkina Faso ne sera pas abandonné, et que la CEDEAO va accompagner le Burkina dans la mise en œuvre de la Transition ».

Contre toute attente, la conférence des chefs d’État réunis en sommet extraordinaire à Accra, le 5 mars 2022, se dit « très préoccupée par la durée de la période de transition fixée à trente-six (36) mois par la Charte de la Transition ». Elle exige, par ailleurs, des autorités burkinabè la finalisation d’un chronogramme acceptable de la transition au plus tard le 25 avril 2022. Sans quoi, des sanctions économiques et financières entreront immédiatement en vigueur.

… face à un Damiba inflexible

À quoi ont donc servi les « discussions franches » entretenues jusque-là par les émissaires de la CEDEAO et les autorités Burkinabè ? Que se disent en réalité les deux parties pour que les résultats observés sur le terrain ne reflètent pas la franchise des discussions menées chaque fois ? Jusque-là, le Président Kaboré est toujours maintenu en détention, en dépit des injonctions de la CEDEAO. Sur la durée de la transition, le porte-parole du gouvernement Burkinabè a été clair : « Le gouvernement du Burkina Faso ne subit qu’un seul délai, celui de bien faire les choses, celui d’agencer son action en fonction des réalités du terrain », a-t-il martelé, jeudi dernier.

La réaction du Président Damiba lui-même sur la question n’est pas de nature à rassurer les partisans d’une réduction de la durée de transition. Dans une adresse à la nation, ce vendredi 1er avril, l’homme fort de Ouagadougou a, en effet déclaré : « Aucune fixation ne doit être faite sur la durée retenue pour la transition parce qu’elle pourrait être révisée si la situation sécuritaire s’améliorait dans les mois à venir dans les zones à forts défis sécuritaires ».

Un peu plus tôt dans la journée, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba a reçu le président de la Commission de la CEDEAO, Jean-Claude Kassi Brou, qui a conduit une nouvelle délégation au Burkina Faso. « C’était vraiment des discussions très constructives et nous en sommes très heureux », a laissé entendre le responsable de la CEDEAO au sortir de son entretien avec le Président Damiba. Nous attendons les résultats de ces « nouvelles discussions très constructives ».

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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