C’est un livre précieux que viennent d’éditer les éditions Gallimard. » La saison des fous » de l’Angolais José Eduardo Agualusa est incontournable. Autant pour son écriture poétique et précise que pour l’histoire de la poétesse Lidia do Carmo Ferreira, mêlée à la grande et terrible Histoire de l’Angola.
José Eduardo Agualusa est enfin traduit en français. Un bonheur. Avec La saison des fous, paru en portugais en 1997, les lecteurs pourront découvrir cet auteur méconnu en France mais reconnu dans son pays, au Portugal et au Brésil (les deux pays entre lesquels il partage sa vie). A travers une biographie romancée de la poétesse et historienne angolaise Lidia do Carmo Ferreira, José Eduardo Agualusa remonte le cours du temps. Il reconstitue l’histoire troublée du mouvement nationaliste (le Mouvement populaire pour la libération de l’Angola, MPLA), de l’indépendance du pays et de la cruelle guerre civile qui s’ensuivit. Et qui ne s’est éteinte que cette année…
Son narrateur est un journaliste, clin d’œil autobiographique puisque José Eduardo Agualusa travaille encore pour la presse écrite et épisodiquement pour la radio. Sur les traces de la poétesse, il connaîtra l’horreur de la guerre et des prisons, les vies déracinées et la violence comme mode de vie. Se servira de la poésie comme arme et de l’espoir comme oreiller. » J’aime placer mes personnages dans des situations étranges, aux prises avec des changements brutaux et l’insécurité. C’est dans ces situations que leurs caractères se révèlent « , expliquait récemment l’auteur à un journal portugais.
L’autre Afrique de José Eduardo Agualusa
La saison des fous, mélange de fait historiques et de fiction est porté par une langue riche et profonde. Lumineuse et sombre à la fois, parsemée de phrases ciselées comme les diamants de la guerre. A l’instar du Mozambicain Mia Couto ou de son compatriote Luandino Vieira, José Eduardo Agualusa fait partie de ces auteurs africains qui renouvellent et enrichissent la langue portugaise. Né en 1960 à Huambo, c’est l’un des auteurs angolais majeurs de la dernière décennie du 20ème siècle, s’imposant dès 1989 (avec son livre A Conjura, non traduit) comme le chef de file de la nouvelle littérature africaine lusophone.
D’ascendance angolaise, portugaise et brésilienne, José Eduardo Agualusa se définit comme » crioulo « , » créole « . Se rapprochant sans doute des propos qu’il fait tenir à Lidia do Carmo Ferreira dans La saison des fous : » Au fond, je ne m’identifie pas avec la négritude. Je la comprends, je suis solidaire des Noirs du monde entier, j’aime beaucoup les poèmes de Senghor et les nouvelles de Diop, mais je sens que notre univers est autre. Toi comme moi, nous appartenons à une autre Afrique ; à celle qui vit aux Antilles, au Brésil, au Cap-Vert ou à Sao Tomé, un mélange de l’Afrique profonde et de la vieille Europe coloniale. Le fait de prétendre le contraire est une falsification. »
La saison des fous de José Eduardo Agualusa, éditions Gallimard, Collection Continents noirs.