A la recherche de l’identité perdue


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Qu’est-ce qu’une identité ? La réponse du romancier ivoirien Adiaffi.

Jean-Marie Adiaffi, né en 1941, a signé en 1980, avec son premier roman,  » La Carte d’identité « , une forme de fable moderne sur l’affrontement des différences, et les lourds malentendus qui naissent, entre des systèmes de valeurs trop éloignés. Né en pays agni, à l’Est de la Côte d’Ivoire, en 1941, il a fait des études de cinéma à l’IDHEC, à Paris, et il a fréquenté le studio école de l’OCORA, avant de changer brusquement de voie, d’étudier la philosophie en Sorbonne, et de rentrer en Côte d’Ivoire pour y enseigner. La richesse de son parcours personnel affleure derrière les rebondissements de son roman, où se mêlent plusieurs traditions littéraires.

Dès les premières pages, nous nous trouvons dans un univers qui hésite entre l’absurde et l’odieux, Kafka en Afrique, et l’insupportable arrogance autoritaire d’un  » commandant de cercle « , responsable militaire local du pouvoir colonial, face à un ivoirien de souche brutalement arrêté, séquestré, torturé, sans qu’il puisse même savoir de quoi on l’accuse, ni même de quoi on le soupçonne. L’absurdité de son sort face au mutisme de ses geôliers ne sera éclairée qu’à la toute fin du livre, après un parcours romanesque qui permettra à l’auteur d’accumuler les confrontations entre deux mondes, deux systèmes de valeurs, deux identités.

Car l’identité de Mélédouman, prince ivoirien, descendant des anciens souverains de Béttié, comment pourrait-elle se résumer sur ce vague papier administratif, qu’il est accusé d’avoir perdu ? C’est pourtant pour le retrouver qu’il va se mettre en quête… Au passage, quelques scènes drolatiques, comme celles suscitées par l’affrontement autour des représentations divines entre la plus fameuse féticheuse, la grande Ablé, et le Père Joseph, à la Mission catholique. Elle se terminera dans les transes, par cet échange entre le prêtre et Mélédouman :  » Est-ce qu’au fond vous croyez vraiment à toutes ces histoires de fétiches, de masques, de statuettes sacrées ? -La question n’est pas là, mon père, la question n’est pas de croire ou de ne pas croire. MAIS DE RESPECT OU DE MEPRIS.  »

En capitales, à mi-chemin de ce roman qui est à la fois une aventure et une enquête, Jean-Marie Adiaffi livre là sa vérité, celle qui guide toute son oeuvre : la question du respect et du mépris. Au-delà même de son oeuvre, c’est la même conviction qui nourrit aussi sa vie, et cela mérite d’être souligné. Car il croit que  » L’intellectuel n’est rien s’il ne vit pas entièrement dévoué à la cause de son peuple, s’il n’est pas une part de ce peuple, rien qu’une part, une part embrasée, mais une part tout de même, une part intégrée puisqu’au centre, mais une part sans privilège, sans honneur particulier. C’est cela être un intellectuel pour un peuple soumis, humilié, bafoué, exploité, asservi : se fondre au sein de son peuple au risque de s’y perdre.  » Ou de se sauver avec lui, en le faisant évoluer de l’intérieur. Comme y parvient, peut-être, Mélédouman.

Commander le livre : Hatier 1992

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