Maubeuge, une ville paisible du Nord de la France, s’est faite remarquer par les médias français. La raison ? Elle aurait abrité pendant plusieurs années, Eugène Rwamucyo, un médecin suspecté d’avoir participé au génocide rwandais dans les années 90. Suspendu de ses fonctions à l’hôpital de Maubeuge la semaine dernière, l’homme était recherché par Interpol et une plainte avait été déposée à son encontre par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR). Depuis des années, Alain Gauthier, le dirigeant de cette association, réclame la justice pour les victimes Tutsis. Une tâche difficile en France où certains hauts responsables sont soupçonnés d’être impliqués dans ce génocide.
Ce tapage médiatique autour de l’arrestation d’Eugène Rwamucyo a surpris le président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR). Depuis 2001, Alain Gauthier et son épouse luttent pour le jugement en France des présumés génocidaires, et ce dans l’indifférence générale. Une situation qui pourrait bien changer. La semaine dernière, une infirmière a sonné l’alerte après la découverte sur le site Interpol d’un avis de recherche concernant un médecin de l’hôpital de Maubeuge. Un certain Eugène Rwamucyo. Un nom familier pour Alain Gauthier. Il faisait partie de la quinzaine de personnes soupçonnées de « génocide » et de « crimes de guerre » contre lesquels une plainte avait été déposée par le collectif. Malgré ces accusations, l’homme menait une vie paisible et avait même obtenu une carte de séjour. Un cas qui n’est pas isolé en France. Pour l’heure, aucun des présumés génocidaires n’a été jugé. « Un scandale » pour le président du CPRC qui souhaite faire réagir l’opinion publique. Interview.
Afrik.com : Vous aviez déposé une plainte contre Eugène Rwamucyo en 2007. Comment expliquez-vous que cette affaire ne ressurgisse qu’aujourd’hui ?
Alain Gauthier : Cela nous surprend beaucoup. Quand on a déposé plainte, il n’y a eu aucun tapage médiatique. Il a suffi qu’une infirmière interpelle les médias locaux pour que l’on parle de cette affaire. La chaine de télévision TFI avait fait un reportage sur notre action mais elle ne l’a jamais diffusé. Ils nous ont dit qu’il y avait eu des problèmes techniques et qu’il cherchait un point d’encrage. Moi, je pense intimement que le sujet a tout simplement été refusé pour éviter la polémique. Depuis cet été, la tendance s’est un peu inversée. Les réalisateurs s’intéressent plus sérieusement à notre collectif. Maintenant, je ne me fais pas d’illusions, cette histoire risque de se dégonfler comme un soufflé.
Afrik.com : Pourquoi avez-vous créé le collectif des parties civiles pour le Rwanda ?
Alain Gauthier : Tout a commencé en 2001, après le procès devant la Cour d’Assises de Bruxelles de quatre Rwandais accusés d’avoir participé au génocide. On a pris connaissance de l’existence d’un collectif de parties civiles qui déposent des plaintes contre des génocidaires rwandais. Et on a essayé de faire la même chose en France. Cette période sombre du Rwanda nous touche directement, ma femme particulièrement. Mon épouse Dafroza a vu sa famille décimée lors du massacre de 800 000 tutsis en 1994.
Afrik.com : Comment procédez-vous pour porter plainte?
Alain Gauthier : On fait des allers-retours au Rwanda. On essaye de rencontrer des gens, d’avoir des preuves solides. On saisit la justice seulement quand on est vraiment sûrs de nous.
Afrik.com : Vous avez déposé plainte contre 16 génocidaires présumés. Pour l’instant, combien ont été arrêtés ?
Alain Gauthier : A vrai dire, un seul. Il s’agit de Pascal Simbikangwa. Mais il n’a pas été arrêté pour sa participation dans le génocide rwandais. Il a été interpellé à Mayotte pour trafic de faux papiers en octobre 2008. Il est pour l’instant emprisonné à l’île de la Réunion. Les génocidaires présumés n’ont jamais été jugés en France. Dans le meilleur des cas, la justice française les transfère au tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR, chargé de juger les hauts responsables du génocide). Sinon, elle refuse tout simplement leur extradition vers le TPIR. Les coupables sont donc en liberté. Prenons le cas d’Agathe Habyarimana. Le Conseil d’Etat vient de confirmer le refus d’accorder l’asile politique à la veuve du président rwandais. Elle ne sera donc pas jugée en France et pourra circuler librement.
Afrik.com : Pourquoi la justice française se montre-t-elle si frileuse ?
Alain Gauthier : Officiellement, c’est pour protéger les témoins. Mais officieusement, c’est pour ne pas faire de vagues. Faire une enquête sur des génocidaires présumés revient à remuer de vieux dossiers comme l’implication de la France dans le génocide rwandais. On ne veut pas ouvrir la boîte de Pandore, c’est trop dangereux. Plusieurs personnalités politiques risquent d’être inquiétées, je pense à Hubert Védrine, par exemple.
Afrik.com : Quel regard portez-vous sur le tribunal pénal international pour le Rwanda ?
Alain Gauthier : Je ne veux pas me montrer trop critique. Le tribunal juge les génocidaires et les condamne. Maintenant, c’est vrai que les procès ont tendance à s’éterniser pour rapporter un maximum d’argent aux avocats et aux juges. Mais le TPIR a au moins le mérite d’exister.
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Le collectif des parties civiles pour le Rwanda