Le Soudan du XIXe siècle est occupé par les Egyptiens, officiellement membres de l’Empire Ottoman mais en réalité sous influence britannique. La population soudanaise, lassée du manque d’investissement du Caire dans la région et de la proximité égyptienne avec les Occidentaux, se regroupe derrière un personnage troublant du nom de Muhammad Ahmad, auto-proclamé « Mahdi ».
Alors que les Britanniques sont volontairement absents au Soudan, Muhammad Ahmad, un leader religieux, proclame la guerre sainte. Il reproche aux Egyptiens leur proximité avec les Occidentaux et leur vision trop modérée de l’islam. Autoproclamé « Mahdi » (le « sauveur », la « personne guidée » attendue par les musulmans) et appuyé par une bonne partie de la population, Muhammad Ahmad va mettre en déroute les troupes égyptiennes envoyées contre lui en 1881 et 1882. Et ce, malgré le manque d’équipement de ses soldats et la supériorité technique des Egyptiens, armés par Londres.
Face à l’ampleur de la révolte, une nouvelle armée égyptienne de 7 000 hommes, 1 000 cavaliers, 20 pièces d’artillerie est mise sur pieds en 1883, sous les ordres de William Hicks, un Britannique, entouré de douze autres officiers européens. Les troupes sont finalement décimées près d’Al-Obeid par les 40 000 guerriers de Muhammad Ahmad, bien entraînés, fanatisés et armés de matériel volé à l’ennemi. D’autres régions font alors allégeance au chef djihadiste. Un an plus tard, les Mahdistes défont une nouvelle fois les Anglo-Egyptiens lors de la bataille d’El-Teb. Londres décide donc de se passer des Egyptiens, jugés peu fiables et trop proches de l’ennemi, en envoyant un contingent de 4 000 hommes appuyés de nombreux canons à Tamai. Première victoire contre les islamistes. Une éclaircie de courte durée…
La mort du « Mahdi » n’arrête pas le djihad
Après la victoire de Tamai, le général Charles Gordon entre triomphalement dans Khartoum en février 1884. Erreur stratégique : 30 000 Mahdistes assiègent la ville. Les troupes anglo-égyptiennes tentent quelques sorties coûteuses en hommes et matériel, en vain. Les ennemis du leader religieux lancent également des expéditions de secours, qui infligent de lourdes pertes aux Soudanais sans toutefois parvenir à faire sauter le siège de Khartoum. Le « Mahdi » semble avoir la situation bien en main et s’empare finalement de la cité le 26 janvier 1885 à la tête d’une armée de 50 000 combattants.
Les défaits sont tous massacrés, dont Gordon, et une bonne partie des habitants est réduite en esclavage pour ne pas avoir participé assez activement à la lutte contre les occupants. La quasi-totalité du Soudan est alors sous le contrôle des djihadistes, qui perdent leur « Mahdi » le 22 juin de la même année. La charia est instaurée sur tout le territoire et le pays s’organise contre les futures invasions. En effet, la lutte armée continue contre les Anglo-Egyptiens et les Italiens jusqu’en janvier 1900, et il faut attendre 1916 pour que les derniers fidèles du « Mahdi » soient capturés. Contrairement à ce que peuvent laisser penser les médias en ce début du XXIeme siècle, le djihad est loin d’être une nouveauté en Afrique, un phénomène récent et extrêmement inquiétant. L’exemple soudanais n’en est qu’un parmi tant d’autres.
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