A la découverte du Couloir de la mort


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Le Couloir de la mort. Au Gabon, ce nom ne fait trembler personne et fait même frissonner de plaisir. Il s’agit d’un des lieux nocturnes les plus prisés par la jeunesse librevilloise. En fin de semaine, les jeunes investissent en nombre, et jusqu’à l’aube, une ruelle du quartier de Lalala. On y compte une trentaine de bars. Ambiance un soir de pluie.

De notre envoyée spéciale Habibou Bangré

Il est une heure du matin. La pluie battante vient de se calmer, et ce sont désormais des gouttes soutenues qui tombent ce samedi sur le Couloir de la mort. La fameuse ruelle est déjà très animée : les haut-parleurs des bars crachent leur musique, qui sonne de loin comme un joyeux brouhaha. A l’entrée du Couloir, un camion de police stationne.  » On nous a appelés parce qu’une voiture a renversé un barbecue « , explique, blasé, l’un des agents de cette patrouille. Pas étonnant, la circulation des voitures est quasi impossible étant donnée l’étroitesse du passage. Une étroitesse encore plus accentuée par les quelque trente bars agglutinés de part et d’autre de la chaussée. De 23 heures à 8 heures, la rue leur appartient. Les tables et les chaises en plastique sont installées sans vergogne sur une bonne partie de la route.

Un couloir bien nommé

Couloir de la mort : pourquoi ce nom macabre ?  » Les gens boivent toute la nuit, des bouteilles et des bouteilles d’alcool. Et à l’aube, on les retrouve là où ils étaient la veille, ivres morts et inertes « , explique Marie, vendeuse de grillades dans le Couloir.  » Lorsque les gens repartent au petit matin, ils sont vraiment dans un piteux état « , commente avec un euphémisme délibéré Christian, 42 ans.

Malgré la pluie, les bars sont plutôt bien remplis. Moins que d’habitude. Par temps clément, la rue perpendiculaire au couloir de la mort est elle aussi bondée de jeunes. La pluie redouble soudain. Beaucoup n’ont pas de quoi se protéger et courent se réfugier dans le bar le plus proche. De quoi faire les choux gras des propriétaires. Parmi les clients, on trouve beaucoup d’adolescents, dont certains ont à peine 15 ans, et de jeunes adultes. Ils boudent les sodas, qui font pâle figure à côté du succès des boissons alcoolisées. Sur certaines tables : parfois une vingtaine de cadavres.

Du son plein les oreilles

Les bars se livrent une concurrence effrénée pour accrocher le client. Pour ce faire, ils se livrent une guerre sans merci par enceintes interposées. Les tympans sont assaillis à gauche de R’nB, à droite de ragga, plus loin de rap ou encore de ndombolo. Avec tant de sonorités différentes, il règne dans le couloir de la mort une cacophonie sans nom. Pas de quoi déconcerter les jeunes, qui se trémoussent comme si les autres musiques n’existaient pas.

C’est du côté de la musique africaine que ça balance le plus. Une jeune fille en tee-shirt blanc et pantalon moulants se lance, sourire aux lèvres, dans des déhanchements autant harmonieux que suggestifs. Tantôt seule, tantôt accompagnée. Beaucoup dansent bouteilles de bière à la main, un doigt sur le goulot pour ne pas en perdre une goutte. Un jeu auquel les filles se prêtent avec autant d’ardeur que les garçons. Le succès de cette ruelle d’une centaine de mètres est dû à l’atmosphère chaleureuse, mais aussi aux prix abordables pour les jeunes portefeuilles.  » C’est un peu la boîte du pauvre « , explique Christian. Il faut dire que l’entrée des  » vrais boîtes  » varie entre 2 500 FCFA et 6 000 FCFA, hors consommations.

Danser avec classe

Les bars n’offrent qu’une piste de danse très réduite. Leur surface est d’environ 15 mètres carrés, les danseurs peuvent à peine bouger, la chaleur y est étouffante. Alors certains sortent faire des improvisations sur la terrasse, protégée par un toit en tôle. Plus de place, et plus de chance de capter les regards. On vient dans le Couloir de la mort sur son trente et un. Les jeunes filles sont sexy, maquillées et coiffées. La gent masculine arbore un style plus relax avec des tee-shirts ou des sweats dernière mode, par-dessus un baggy en jean. Certains portent même des lunettes de soleil…

De l’alcool, de la musique, mais aussi de quoi manger. Pour les envies gourmandes, des barbecues sont installés entre ou devant les bars. Les odeurs de viande et de poisson grillé se mêlent à l’humidité ambiante. Les étals en sont remplis pour ravitailler les clients qui défileront toute la nuit. « Après leur sortie en boîte, certains jeunes viennent finir la soirée ici vers 4 ou 5 heures » explique Christian.

Lancer de bouteilles

Atmosphère on ne peut plus festive. Mais parfois des bagarres éclatent. Comme celle qu’est venue régler la police une heure plus tôt. Celle-là n’a pas dégénéré, mais parfois les choses tournent très mal.  » Lorsqu’une bagarre éclate, certains sortent des couteaux. D’autres lancent des bouteilles vides. Quelques uns prennent des tessons pour se battre « , commente Marie, la vendeuse de grillades. Une réputation qui effraie.  » C’est la première fois que je viens ici, explique une jeune Gabonaise. J’aime bien l’ambiance qu’il y a, mais je ne me sens pas rassurée. J’ai entendu dire qu’il y a beaucoup de bandits ici « . Comme dans tous les lieux qui vivent la nuit… Ce qui explique aussi les rondes régulières des forces de l’ordre.

Mais pour l’heure, pas d’incidents en vue. Alors que la pluie continue de tomber, l’ambiance bon enfant suit son cours : on danse, on s’amuse, on chante. Pour certains, la fête est déjà terminée. Ils dorment bouche béante sur leur chaise. Sans doute n’émergeront-ils qu’au petit matin.

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La rédaction d'Afrik, ce sont des articles qui sont parfois fait à plusieurs mains et ne sont donc pas signées par les journalistes
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