La viande de mouton, denrée très prisée au Sénégal, a vu son prix monter en flèche, au cours de ces dernières années. Derrière cette hausse du prix, le coût de l’animal qui a aussi connu un forte flambée. AFRIK.COM a fait un tour dans un foirail du Sénégal, pays d’Afrique de l’Ouest où le mouton, même en dehors de la Tabaski (Aïd El Kébir), est un produit qui se vend très bien.
Reportage
Samedi matin, 09H00 GMT, le foirail ne bat pas encore son plein. Quelques vendeurs avaient déjà répondu présent, parmi eux, Aliou Sow, la trentaine. A cette heure de la journée, les quelques clients qui viennent acheter un mouton ou même un bœuf sont dans l’urgence : soit ce sont des musulmans qui doivent baptiser un nouveau-né, une semaine après sa naissance, soit un décès surprise, poussant la famille à vite acquérir un de ces animaux domestiques, pour les besoins du repas.
Pour cette dernière tranche de clientèle, elle est devenue rare, car ramadan oblige, aucune urgence, car le repas se prépare le soir, et se déguste après la rupture. Les acheteurs ont donc le temps de venir effectuer leurs courses à n’importe quelle heure de la journée. Dans tous les cas, Aliou Sow, lui, qu’il pleuve ou vente, il pointe à 07H00 GMT pour s’enquérir de la situation au foirail, après avoir laissé son bétail sous la vigilance d’un agent de sécurité, pendant toute la nuit.
A la vue de l’équipe d’AFRIK.COM, en bon vendeur de bétail, Aliou Sow exhibe ses plus beaux béliers. « Je vous vends celui-là », lance-t-il en tenant un mouton, une main vers le museau, l’autre vers la queue de l’animal. « Demandez-moi à combien je vous vends ce beau bélier », poursuit-il en tapotant le ventre de l’animal qui, visiblement, vient de se remplir la panse avec de la paille des graines et suffisamment d’eau.
« Mes moutons sont bien nourris, vous pouvez vous en apercevoir. Ils sont bien dodus. Je suis persuadé que vous ne pouvez pas en trouver mieux dans tout le foirail », lance-t-il fièrement. En effet, en cette saison sèche au Sénégal, les moutons qui sont vendus au foirail, à quelques exceptions près, sont plus ou moins maigres. Et Aliou Sow a su faire la différence. « Paille, maïs et graines de coton, voilà l’alimentation de mes moutons. Ce qui fait qu’ils sont bien nourris », argue le vendeur issu d’une famille de berger peulh.
« J’ai grandi dans un famille d’éleveurs. Je connais les moutons et les bœufs, c’est mon domaine. Cela fait dix ans que je suis dans le commerce de moutons. Je ne cherche pas un gros profit. Il me suffit d’avoir un petit bénéfice et je vends la bête. Par exemple, je vends chaque bélier, en moyenne, à 140 000 FCFA. Chaque animal me revient environ à 120 000 FCFA, j’inclus le transport et l’alimentation pendant deux ou trois jours, pour ensuite fixer le prix de vente », détaille Aliou Sow, entre deux gestes qu’il répète.
En effet, quasiment, toutes les cinq minutes, il plonge la main dans l’abreuvoir, un baril de 200 litres découpé en deux, la rince un coup puis en ressort des gouttelettes d’eau qu’il balance sur les moutons. Une eau certes claire et limpide, mais pas propre, car exposée à l’air libre, dans un environnement pollué par la fumée des voitures et la poussière soulevée par les bêtes et le monde qui fréquente le foirail.
Et c’est dans ce contexte, auquel est venu s’ajouter la pandémie du Coronavirus, qu’un associé d’Aliou Sow est venu tremper la main droite dans l’abreuvoir dans lequel venait à peine de se désaltérer un bélier, avant de prendre un peu de ce liquide précieux, dans le creux de sa main, pour porter cette petite quantité d’eau à la bouche. Après avoir rincé la bouche avec cette eau, l’homme pouvait la cracher au sol, dans un geste express, qui a un peu détourné notre attention.
Rien d’anormal chez Aliou Sow, qui a poursuivi son exposé. « Nous achetons les moutons du côté de Missirah (centre du Sénégal, en allant vers la Gambie, à 342km de Dakar, la capitale du Sénégal, pour 05H47mn de route). Pour une acquisition d’une centaine de moutons, il nous faut prendre un camion en location, pour transporter la marchandise. Le transport n’est pas donné, car on débourse environ 100 000 FCFA pour rallier le foirail », explique-t-il.
Un parcours du combattant, à en croire Aliou Sow. « La dernière fois, je me rappelle, nous avions quitté Missirah vers 17H00 (GMT), pour arriver au foirail, tard dans la nuit, à 01H00 du matin, avec une petite pause, en chemin, histoire de procéder à la rupture du jeûne ». Ce trajet, Aliou Sow dit l’assurer une fois par semaine et dit espérer augmenter la fréquence, à l’approche de l’Aïd El Fitr, « car le mouton sera très sollicité. Pas autant que lors de la tabaski (Aïd El Kébir), mais assez tout de même », note le berger.
Certains clients venus acheter un mouton ont fait le constat à l’unanimité : le prix est élevé. « C’est ainsi depuis quelques années, le prix des moutons a augmenté. C’est depuis les éleveurs qui nous vendent ces moutons que les coûts ont changé. Il y a de cela 6 ou 7 ans, le mouton d’un certain gabarit, moyen notamment, qui se vendait 90 000 FCFA, coûte actuellement dans les 150 000 FCFA. c’est la nouvelle loi du marché. C’est d’ailleurs ce qui explique le fait que beaucoup se lancent maintenant dans le commerce de moutons, qui rapporte un peu d’argent tout de même », avoue Aliou Sow.
En effet, durant notamment la période de l’Aïd El Kébir, en moyenne, dans un foyer sur 15, les gens pratiquent le commerce de moutons, devant la maison familiale, ou dans un lieu public, transformé en foirail pour la circonstance. Le jeu en vaut la chandelle, puisque chaque bête achetée à 70 000 FCFA, peut facilement s’écouler à 150 000 FCFA. S’il n’est pas donné à crédit sur cinq mois, pour un prix plus élevé, échelonné en moratoires. Un commerce devenu lucratif, en ces temps où la conjoncture est pourtant difficile, avec le Coronavirus qui impose ses lois aux économies du monde entier.