Jusqu’au 4 juin prochain, l’espace Alberica, à Paris, s’est paré de vert et de blanc pour célébrer l’art nigérian. Cinq peintres et un sculpteur ont été sélectionnés pour faire découvrir au public la diversité de la peinture contemporaine du pays.
« Nigeria : 48 heures avec les enfants de la tortue ». C’est sous ce titre mystérieux que l’espace Alberica, à Paris, vous convie à la découverte de la peinture et, dans une moindre mesure, de la sculpture contemporaine nigérianes. « 48 heures », c’est le temps dont l’organisatrice de l’exposition, Meriem Lequesne, a disposé lors de son voyage au Nigeria pour rencontrer et choisir les six artistes invités à présenter leurs travaux en France. La compagnie pétrolière française Total, qui est à l’origine de l’événement, avait présélectionné dix artistes parmi lesquels six ont été finalement élus. Quant aux « enfants de la tortue… », éclaire Meriem Lequesne, « quatre des six artistes sélectionnés m’ont raconté au cours de nos entretiens une histoire évoquant une tortue. C’est l’animal emblématique du Nigeria ».
Diseye Tantua, Segun Aiyesan, Uche Edochi, Abiodun Olaku, Tola Wewe et Fidelis Odogwu, le sculpteur, six artistes aussi différents les uns des autres, choisis pour rendre compte de la diversité de la création actuelle au Nigeria. Que les amateurs se rassurent, peinture contemporaine ne signifie pour eux ni élitisme, ni hermétisme. Ainsi, à la question de savoir ce que doit être l’art africain, Abiodun Olaku répond que c’est simplement ce que produisent les artistes d’Afrique ! Lui-même se réclame de Michel-Ange et de Léonard de Vinci ! Dans ses toiles, le sable semble avoir pris la place du brouillard londonien des peintures de Turner. Même ses portraits paraissent comme voilés par ce grain qui ne laisse plus passer le soleil.
« Coupures et coutures de l’identité »
Peut-être pour son plus grand malheur, Diseye Tantua a été retenu pour faire le voyage de Paris. En effet, le jeune peintre, âgé de 29 ans, raconte qu’il avait tellement de mal à se séparer de ses tableaux, au début de sa carrière, qu’il allait « jusqu’à les dissimuler à ses visiteurs pour ne pas être tenté de les vendre ». Aujourd’hui, il s’est fait à l’idée de se séparer de ses peintures à l’huile, magnifiques portraits réalisés à traits épais en noir et blanc. Segun Ayasan, quant à lui, a définitivement choisi la couleur. Le jeune ingénieur a longtemps lutté « contre l’inévitable », comme il le dit lui même, avant de renoncer à son métier et de se donner à sa passion. « Du monde, je recherche aujourd’hui la plus simple expression », explique-t-il. Alors, dans ses toiles, Segun s’attache à décomposer un monde qu’il sait complexe, pour n’en garder et restituer que des éléments simples. Comme dans cette série, où il représente des scènes de vie au village.
Uche Edochie a pour sa part préféré le portrait pour rendre compte de sa vision du monde. Lorsqu’il ne dispose pas d’assez de temps, le jeune photographe-peintre effectue un cliché de ses modèles, pour ensuite les reproduire au pinceau. « Il a une aisance incroyable à retraduire de minuscules photos dans de grandes peintures », raconte Meriem Lequesne, spectatrice. Les visages apparaissent alors comme emprisonnés, quadrillés par une multitude de symboles et de motifs rituels. « Comme autant de tatouages et scarifications de la mémoire, comme autant de coupures et coutures de l’identité », commente Paul Lesquesne, qui a retranscrit sous forme de contes les histoires racontées par les artistes dans le passionnant catalogue de l’exposition.
Uche Edochie, qui effectue un travail sur l’identité, est le seul artiste avec Abiodun Olaku à n’avoir pas évoqué la tortue lors de ses entretiens. Pourtant, après avoir pris connaissance des propos tenus par ses camarades, il s’est aperçu à son grand étonnement avoir lui-même peint des motifs de cet animal sur ses toiles. « Sans m’en rendre compte », a-t-il avoué à Meriem.
« 48 heures avec les enfants de la tortue »
Espace Alberica
230, faubourg St-Honoré 75008 Paris