A Kinshasa, le traitement du sida par le vide


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Drapeau de la République Démocratique du Congo
Drapeau de la République Démocratique du Congo

Une guerre qui secoue le pays depuis deux ans, l’insécurité sanitaire, les déplacements de population : médecins et associations humanitaires de Kinshasa pallient l’absence de traitement contre le sida par des petits arrangements avec la détresse des malades.

A Kinshasa, traiter un malade séropositif confine au désespoir. Depuis la découverte de l’épidémie en 1983, les organismes humanitaires ont recensé plus d’un million de Congolais morts du sida. Aujourd’hui, près de 10 % de la population est séropositive.  » Il n’existe aucun traitement contre le sida dans notre région. Nous ne soignons que les infections opportunistes, comme la diarrhée, les fièvres.  »

Pour le Dr Anicet Mazaya qui travaille depuis cinq ans au sein de la Memisa, une ONG belge, le sida est un drame aussi grand que le pire des conflits qu’ait connu le peuple congolais.  » Les trithérapies coûtent en moyenne 1 500 dollars par mois et par malade. Elles sont introuvables en Afrique. Elles sont utilisées à titre exceptionnel, par une infime part de la population qui fait venir les médicaments d’Europe.  »

Si l’accès aux antirétrovéraux est pour l’heure inconcevable financièrement, l’ensemble du système sanitaire se révèle défaillant dans le traitement des malades du sida.  » L’hygiène, le diagnostic, les médicament utilisés, tout est à revoir, analyse Pierre Salignon, responsable de programme pour l’Afrique, au bureau parisien de Médecin sans frontières. Il n’y a pas assez de personnel qualifié, pas de suivis médicaux, et depuis plusieurs années, les actes et les consultations médicales sont devenus payants. Restent alors les programmes soutenus par les ONG. Mais tant que durera le climat d’instabilité politique, le problème de leur application se posera.  » L’an dernier, MSF a lancé une opération d’urgence, au Congo-Brazzaville, suite à l’ampleur des violences du conflit civil. Des bithérapies ont été administrées par MSF aux femmes victimes de viol dans les soixante-douze heures après l’agression. Une mesure qui permet, selon MSF, de réduire de 85 % le risque de transmission du virus VIH.

Un système sanitaire dans l’abîme

La guerre au nord et à l’est du pays est considérée comme l’un des facteurs les plus graves de la propagation de la maladie. Promiscuité dans les camps de réfugiés, viols systématiques des femmes par les militaires, déplacements de populations… » Sur le terrain, tout porte à croire, souligne le Dr Mazaya, que l’épidémie va flamber dans les années à venir. La guerre a fait dégringoler la sécurité sanitaire ». Comme pour ces deux mille femmes, originaires de la zone équatoriale et orientale de la RDC, parkées sur le site Mikonga près de l’aéroport de Kinshasa. Déportées vers le Soudan et la Centrafrique au cours des récents conflits, ces femmes ont été rapatriées avec leur accord dans la capitale par le HCR (Haut-commissariat aux réfugiés), faute de pouvoir rentrer dans leur village d’origine.  » Nous ne pouvons pas administrer à ces femmes un dépistage du sida, nous en manquons déjà pour les transfusions sanguines. Mais nous savons pertinemment que derrière les pneumonies ou la déshydratation, c’est le sida, explique le Dr Maryline Tavernier, qui s’occupe de ce camp depuis huit mois. Beaucoup d’entre elles sont arrivées avec un sida clinique déclaré. Alors nous les soignons pour qu’elles puissent mourir dans la dignité.  »

La dignité comme réponse à la détresse, faute de traitement ?  » Il faut apprendre à vivre positivement malgré le sida. Beaucoup de malades restent sans manger ni boire à l’annonce de leur maladie.  » Pour Mme Mulele Bwe, ancienne journaliste et cofondatrice de Femme Plus en 1994, redonner de l’espoir aux malades est une étape fondamentale du traitement. L’association, créée à l’origine pour soutenir les veuves du sida, prend en charge les patients à tous les stades de la maladie : soutien psychologique – séances d’écoutes, visites à domicile, prières collectives – , distribution de nourriture, paiement des médicaments et des frais funéraires, etc. Depuis sa création, Femme plus a encadré deux mille malades, en a vu mourir sept cents.  » Il faut que le gouvernement s’implique réellement et nous donne les moyens de lutter contre le sida, lance Mulele Bwe. Tout le travail ne peut reposer sur les seules ONG. « 

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