A Abidjan, des expulsions forcées plongent des milliers de familles dans la précarité


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Quartier du Plateau à Abidjan
Quartier du Plateau à Abidjan

Des milliers de familles à Abidjan font face à une crise humanitaire suite à des expulsions forcées massives dans le cadre d’un projet d’aménagement urbain. Malgré les promesses gouvernementales, l’aide tarde à se concrétiser, exacerbant les tensions entre habitants et autorités.

Depuis janvier 2024, Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire, est le théâtre d’expulsions forcées à grande échelle. Les quartiers populaires de Gesco, Boribana, Banco 1, et Abattoir ont été particulièrement touchés, laissant des dizaines de milliers de personnes sans abri. Ces démolitions, menées dans le cadre d’un vaste projet d‘aménagement urbain, soulèvent des questions cruciales sur le respect des droits humains et la gestion de l’urbanisation rapide du pays.

Des opérations brutales et précipitées

Les autorités justifient ces opérations par la nécessité de sécuriser des zones à risque d’inondation. Cependant, la manière dont elles ont été conduites fait l’objet de vives critiques. Selon les témoignages recueillis par Amnesty International, les habitants n’ont pas été suffisamment informés ni consultés avant la destruction de leurs habitations.
Echo Yapo, secrétaire général de la chefferie de Banco 1, décrit une scène de chaos : « Nous avons été surpris le 25 février. Plus de 10 machines ont envahi le village sans sommation ni mise en demeure. Les machines ont tout détruit. » Ces propos illustrent le choc et l’injustice ressentis par les familles affectées.

Au-delà de la perte de logements, ces expulsions ont des conséquences dévastatrices sur l’éducation et l’économie locale. La destruction des écoles a privé des milliers d’enfants de leur droit à l’éducation, créant une génération d’élèves déscolarisés. Assita, une adolescente, témoigne de cette réalité brutale : « Notre maison et mon école ont été cassées. J’ai dû abandonner l’école. » Cette interruption soudaine de l’éducation risque d’avoir des répercussions durables sur l’avenir de ces jeunes.

Parallèlement, les moyens de subsistance de nombreuses familles ont été anéantis. À Gesco, 133 fermiers ont vu leurs exploitations agricoles détruites, sans aucune compensation. Cette perte subite de revenus plonge ces familles dans une précarité extrême. Comme le souligne un fermier affecté : « Depuis les destructions, aucune autorité n’est venue nous voir. » Cette absence de soutien aggrave la vulnérabilité économique des populations expulsées.

Des promesses gouvernementales non tenues

Face à l’ampleur de la crise, le gouvernement ivoirien avait annoncé en mars 2024 des mesures de soutien pour les familles expulsées, incluant une aide financière et des solutions de relogement. Cependant, six mois après les premières expulsions, ces promesses tardent à se concrétiser, laissant les familles dans un état de désespoir croissant.

Aimée, une résidente de Gesco, exprime ce sentiment d’abandon : « Ça fait aujourd’hui 6 mois que nous sommes dans les larmes, dans les pleurs, à la rue. Jusqu’à aujourd’hui, rien n’est fait, rien n’est dit. On ne nous a pas encore dédommagés. » Ce témoignage poignant reflète la détresse de milliers de familles qui attendent toujours une aide concrète.

Tensions croissantes et appels à l’action

Les affrontements récents à Adjamé village, où des démolitions ont dégénéré en violence, illustrent les risques liés à une gestion non concertée des processus de déguerpissement. Cette escalade de la tension souligne l’urgence d’une réponse adéquate de la part des autorités.

Face à cette situation, les défenseurs des droits humains, dont Amnesty International, multiplient les appels à l’action. Ils exhortent les autorités ivoiriennes à mettre fin immédiatement aux expulsions forcées et à mettre en œuvre rapidement les mesures de soutien promises. Ils insistent également sur la nécessité de garantir les droits des personnes affectées en matière de logement, d’éducation et de moyens de subsistance. Enfin, ils demandent qu’une enquête soit menée sur les allégations de recours excessif à la force lors des opérations d’expulsion.

De plus, le développement de stratégies de relogement et de compensation équitables doit être une priorité. Ces stratégies doivent prendre en compte non seulement le besoin de logement, mais aussi la préservation des liens communautaires et l’accès aux services essentiels comme l’éducation et les soins de santé.

Masque Africamaat
Kofi Ndale, un nom qui évoque la richesse des traditions africaines. Spécialiste de l'histoire et l'économie de l'Afrique sub-saharienne
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