- Le Président ivoirien Alassane Ouattara alors qu’il est arrivé au pouvoir avec le manteau d’un bon démocrate, encensé par la communauté internationale qui aveuglement lui donne des bonnes notes sur des résultats très contestables, le poulain ne cache pas aujourd’hui sa vive volonté de garder le confortable fauteuil du pouvoir.
Dans son article, Safiatou Ouattara, décortique les manigances politiques mesquines au sein des parties de l’alliance RHDP dont les deux poids lourds sont le RDR parti de Ouattara et le PDCI, le parti historique d’Houphouët Boigny depuis l’indépendance du pays. Ces intrigues alliées à de mauvais résultats économiques, une taux de pauvreté à 50%, plus de 70% de sans emplois, laisse présager de grosses difficultés pour Ouattara s’il souhaite s’accrocher au pouvoir. Il risque, comme son prédécesseur, de sortir par la petite porte
En Côte d’Ivoire, l’idée du 3ème mandat du président Alassane Ouattara fait son bonhomme de chemin. Depuis la promulgation de la Constitution du 08 novembre 2016, la presse ivoirienne relaie de façon récurrente des informations relatives à cette thèse défendue par une poignée de cadres du parti présidentiel, le Rassemblement des Républicains (RDR). Dans une interview accordée récemment à l’hebdomadaire Jeune Afrique, Alassane Ouattara a affirmé que la nouvelle Constitution lui permettait de briguer encore deux mandats, et il semble être tenté de jouir de ce droit en rempilant pour un 3ème mandant en 2020. Toutefois, cela pourrait se retourner dangereusement contre lui. Comment ?
La rupture de l’alliance avec le PDCI
Le projet du 3ème mandat constitue une véritable menace de l’alliance avec le PDCI. En effet, Ouattara a pu jouir de deux mandats présidentiels grâce à l’alliance entre le RDR et le parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Lancée sur les fonts baptismaux, le 18 mai 2005, cette alliance communément appelée le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), lui a permis de remporter le second tour de la présidentielle du 28 novembre 2010 face au président sortant, Laurent Gbagbo. En 2015, le PDCI avait soutenu sa candidature lui permettant de remporter haut la main le premier tour de la présidentielle du 25 octobre. Cependant, l’alliance a été obtenue au prix de l’alternance au pouvoir. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le PDCI demande au RDR de respecter cette clause en soutenant le candidat du PDCI au premier tour de la présidentielle d’octobre 2020. Or, le projet du 3ème mandat viole cet accord, ce qui signifie qu’il serait vraisemblablement impossible pour Alassane Ouattara de remporter la présidentielle de 2020. Suite à son interview, le bureau politique du PDCI a exprimé, le 17 juin dernier, sa détermination à reconquérir le pouvoir en 2020. Visiblement, le projet du 3ème mandat fera perdre l’alliance avec le PDCI. Ce qui mettrait le président Ouattara dans une situation politique vulnérable.
L’implosion du RDR
L’actualité politique de ces dernières années montre que briguer un 3ème mandat pourrait s’avérer un piège dangereux pour Ouattara au sein du RDR. Car, après avoir contribué à son accession au pouvoir, Soro Guillaume, président de l’Assemblée Nationale, et son clan se sont minutieusement préparés pour que Soro soit le candidat du RDR à la présidentielle de 2020. Cette campagne du clan Soro auprès des militants et des cadres du RDR a porté ses fruits. Ainsi, selon les chroniqueurs politiques et ce qui se se susurre dans les milieux politiques, la plupart des militants et cadres soutiennent Soro. Fort de cela, sa candidature en 2020 est irréversible selon l’ancien ministre des sports, Alain Lobognon, député issu du RDR, dans une interview à ALERTE INFO. Aussi, suite à l’interview du président Ouattara, l’ancienne ministre de la communication, cadre du RDR et proche de Soro, Affoussiata Bamba-Lamine, a martelé dans une missive publiée par la presse ivoirienne que Ouattara ne peut briguer un 3ème mandat et l’a invité à renoncer à ce projet. Il en découle donc que l’idée du 3ème mandat ne fait pas l’unanimité au RDR. De plus, Ouattara et les partisans du 3ème mandat semblent bien minoritaires au sein du RDR. Ainsi, sa candidature imploserait le RDR en le mettant lui et les partisans du 3ème mandat dans une situation inconfortable.
Une chute humiliante
L’espoir que les électeurs avaient placé en Ouattara s’est mué en un réel cauchemar. Et son bilan est largement en-deçà des attentes. Bien que la croissance économique tourne autour de 8%, la Banque mondiale estime que 50% de la population ivoirienne est pauvre. Et la Banque africaine de développement a affirmé, le 12 mars dernier, que la part cumulée des emplois vulnérables et personnes sans emploi dans la population active représente un taux entre 70% et 90%. Aussi, la corruption fait perdre à la Côte d’Ivoire 500 milliards de francs CFA (fraude fiscale : 200 milliards Fcfa ; corruption : 100 milliards Fcfa ; transactions illicites: 200 milliards Fcfa), selon le Réseau des cellules nationales de traitement des informations financières (CENTIF) de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africain. Cette situation a renforcé la paupérisation des populations ainsi que leur déception. En outre, plusieurs ONG ivoiriennes ont exprimé leur opposition au 3ème mandat et invité Ouattara à y renoncer. De cette façon, sa candidature pourrait entrainer des manifestations des ONG soutenues par la population, ce qui entraînerait une insurrection populaire capable d’emporter le régime. Et s’il parvenait à l’éviter, le projet du 3ème mandat ne gagnerait pas l’assentiment des électeurs ivoiriens lors de la présidentielle d’octobre 2020. Dans ce contexte, sa défaite électorale serait inéluctable. Pourtant, l’idée inavouée de ce projet est de se maintenir au pouvoir pour continuer de jouir de ses privilèges. Pour y arriver, il pourrait ne pas accepter sa défaite comme son prédécesseur Laurent Gbagbo. D’où le risque d’engendrer une crise postélectorale avec des populations déterminées à lui barrer la route. Les violences, les pertes en vies humaines, les violations graves de droits de l’homme et les dégâts finiront par le faire sortir par la petite porte. Il ne serait donc pas à l’abri de poursuites judiciaires et d’un transfèrement à la cour pénale internationale par son successeur pour y répondre des crimes de la crise postélectorale qu’il aura engendré.
En somme, le projet du 3ème mandat présente de véritables dangers pour le président ivoirien. Quel que soit le scénario, il serait le grand perdant. Clairement, il y perdrait plus qu’il n’y gagnerait. Il vaudrait mieux qu’il y renonce, d’une part, pour préserver l’alternance démocratique, et d’autre part, sortir par la grande porte.
Safiatou Ouattara, chercheure ivoirienne