La 21e commémoration du printemps berbère, fragilisée par les vieux démons de la scène politique algérienne. Regroupées au sein d’un mouvement commun, les principales mouvances politiques imazighen partagent les mêmes revendications. Mais se disputent le leadership en un combat fratricide.
» Assa azaka, Tamazight, tella tella » (Aujourd’hui, demain, le berbère restera). Toute la journée de jeudi 19 et vendredi 20, les rues de la » capitale » kabyle, Tizi-Ouzou, ont résonné de ce slogan. Comme chaque année en Algérie, ils sont des dizaines de milliers, bandeaux et calicots jaunes vissés sur le crâne, à célébrer l’anniversaire du printemps berbère par une grève générale et des manifestations de masse. Le 20 avril 1980, en effet, l’annulation d’une conférence de Mouloud Mammeri, romancier algérien, sur la poésie imazighen (autre nom donné aux berbérophones) avait provoqué des émeutes à travers toute la Kabylie.
Inlassables, ces scènes de rue qui se sont déroulées sans incidents, inlassables les revendications des manifestants : la reconnaissance du peuple kabyle. Tamazight (berbère), langue nationale et officielle. Généralisation de son enseignement. Mais aussi, défense des libertés publiques.
Commémorations séparées
Si les revendications du Mouvement Culturel Berbère (MCB) paraissent consensuelles, cette année plus que toute autre, elles sont placées sous le signe de la discorde entre les deux fractions politiques qui cohabitent au sein de cette structure : le Front des Forces Socialistes (FFS) du vieux leader Aït Ahmed et le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) de Saïd Sadi. Les frères ennemis se livrent une guerre sans merci depuis plusieurs années. Résultat : les deux fractions ont manifesté séparément cette année. Le MCB-RCD, jeudi. Le MCB-FFS aujourd’hui, vendredi. Officiellement, le RCD affirme vouloir célébrer le printemps berbère jeudi 19 car le vendredi est jour férié en Algérie, réduisant l’ » impact de la grève générale « . Officiellement encore, le FFS se borne au strict respect du jour de commémoration de la journée du 20.
Membre de la coalition gouvernementale, le RCD trouve en face de lui les militants du FFS qui ne lui pardonnent pas son soutien au président Bouteflika. Comme si cela ne suffisait pas, une multitude d’organisations rivales, capables des plus spectaculaires revirements, participent à cette cacophonie annuelle… Loin, très loin des revendications des Imazighen.