Guerres, crise économique, élections avortées…, pour l’Afrique, l’année 2008 fut rude. Entre les dictateurs et les putschistes, la population peine à se faire entendre. Seuls quelques pays sont parvenus à relever le défi de la démocratie. L’élection de Barack Obama aux Etats-Unis a redonné espoir à un continent en mal de reconnaissance et qui peine encore à trouver sa place dans l’échiquier mondial. Afrik.com dresse le bilan.
L’année 2008 reste mitigée en Afrique. Le continent a été le théâtre de violents affrontements. La République Démocratique du Congo (RDC) a connu un regain de violence au dernier trimestre 2008. Les rebelles menés par le général Tutsi Laurent Nkunda, installés dans la province du Nord-Kivu (nord-est de la RDC), ont défié le gouvernement de Laurent Désiré Kabila. Pillages et massacres ont ponctué l’année dans ce pays où la guerre civile a fait cinq millions de morts depuis 1997.
L’Afrique à feu et à sang
L’histoire se répète en RDC. Jean-Pierre Bemba Gombo, ancien vice-président de la République démocratique du Congo, président et commandant en chef du mouvement de Libération du Congo (MLC) s’était heurté, lui aussi, aux hommes de Kabila. Accusé par la Cour pénale internationale (CPI) de crimes de guerres et de crimes contre l’humanité commis sur le territoire centrafricain, Jean-Pierre Bemba, a été arrêté le 24 mai.
La CPI n’en est pas à son coup d’essai. Cette année, les présidents africains ont dû en découdre avec la justice internationale. Omar El-Béchir en a fait les frais. Le 14 juillet, le chef de l’Etat soudanais s’est vu remettre un mandat d’arrêt pour « génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre » au Darfour, province de l’ouest du Soudan. Un conflit qui a fait 300 000 morts et 2 500 000 déplacés depuis 2003. Cette inculpation n’a pas fait l’unanimité en Afrique et en… France en raison des intérêts économiques que représente ce pays.
L’Hexagone a mis encore cette année un pied en Afrique, que ce soit
pour défendre Omar El-Béchir ou pour soutenir les six membres de l’ « Arche de Zoé », une ONG française. Les humanitaires condamnés en décembre 2007 par la justice tchadienne à huit ans de prison pour avoir tenté d’enlever une centaine d’enfants pour les emmener en France, ont été graciés par le président tchadien Idriss Déby Itno, le 31 mars. La France n’a pas eu à se salir les mains. Elle a attendu qu’Idriss Déby, menacé par une coalition rebelle, ait besoin de son soutien militaire et logistique. La France a troqué la victoire du gouvernement tchadien contre la grâce de ces « pieds nikelés ».
La démocratie : un défi pour le continent
Ils nous ont quittés : |
L’Afrique, meurtrie par les conflits militaires, a également dû faire face à des crises électorales en 2008. Le Zimbabwe est dans l’impasse politique depuis mars. Malgré la victoire aux élections du 29 mars du leader de l’opposition, Morgan Tsvangirai, Robert Mugabe refuse tant de céder le pouvoir que de le partager. Cette crise politique s’est greffée à une crise économique devenue quasi structurelle au Zimbabwe. L’hyperinflation a atteint le niveau record de 80 milliards % par mois, mi-décembre, plongeant la population dans une misère sans nom. Misère et aussi maladie. Près de 1546 personnes sont déjà mortes du choléra et près de 30 000 sont contaminées. Seul espoir pour ces populations : l’exode, notamment vers l’Afrique du Sud voisine où les étrangers ne sont pas toujours les bienvenus. Des violences xénophobes ont causé la mort de plusieurs dizaines de Zimbabwéens et de Mozambicains, à la mi-mai.
Un événement inattendu dans la nation «arc en ciel», elle-même en proie aux démons de la division. Thabo Mbeki, ancien chef d’Etat, accusé de corruption, a été poussé à la démission, le 20 novembre, par l’actuel leader de l’ANC, Jacob Zuma. Une façon irrévérencieuse mais efficace de préparer son accession au pouvoir pour les élections de 2009.
Au Kenya, les élections de janvier ont, quant à elles, été entachées de violences interethniques. Près de 300 personnes sont mortes suite aux affrontements qui ont opposé les partisans du candidat malheureux Raila Odinga, d’ethnie luo, à ceux du président réélu Mwai Kibaki, d’ethnie kikuyu. Un accord de partage du pouvoir a finalement été trouvé entre les deux opposants, une cohabitation qui n’a malheureusement pas inspiré le Zimbabwe.
Quand les militaires s’installent…
La démocratie peine aussi à s’installer dans d’autres pays d’Afrique où les coups d’Etat militaires se suivent et se ressemblent. La Mauritanie qui avait connu ses premières élections démocratiques en mars 2007 n’a pas échappé au putsch. La transition « civile » aura été de courte durée. Le 6 août dernier, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, le premier président démocratiquement élu a été renversé. Un « conseil d’Etat », dirigé par le général Mohamed Ould Abdelaliz, a pris les rênes du pouvoir. En Guinée, le capitaine Moussa Dadis Camara s’est emparé de la présidence, le 25 décembre, à la faveur d’un coup d’Etat militaire peu après la mort du dictateur Lansana Conté. Une nouvelle fois, les élections libres passent à la trappe ou sont éternellement reportées comme en Côte d’Ivoire. Pour éviter qu’on les déloge, certains chefs d’Etat ont trouvé la parade : la modification de la constitution. C’est le cas des présidents camerounais, Paul Biya, et algérien, Abdelaziz Bouteflika. Ce dernier a remanié la loi fondamentale le 12 novembre pour pouvoir briguer un troisième mandat et devenir, pourquoi pas, président à vie !
L’Afrique qui marche
Ils ont marqué l’année : |
Si certains chefs d’Etat sont régulièrement pointés du doigt par la communauté internationale, d’autres ont su tirer leur épingle du jeu cette année. L’ancien président botswanais, Festus Gontebanye Mogae, s’est vu décerner, en octobre, le prix Ibrahim Mo 2008 de la « bonne gouvernance » pour sa bonne gestion des ressources diamantifères du pays et pour son implication dans la lutte contre le sida. Le Ghana, quant à lui, a prouvé le 7 décembre au Kenya et au Zimbabwe que des élections pacifiques et démocratiques étaient possibles. Même si le résultat définitif est encore inconnu, la succession devrait se faire dans le calme entre le président sortant John Kufuor et le leader de l’opposition John Atta-Mills. La communauté internationale a salué le bon déroulement du scrutin malgré quelques accusations de fraudes.
En 2008, le Maroc s’est démarqué. L’union Européenne lui a accordé, le 13 octobre, « un statut avancé » qui renforce leurs relations dans le domaine politique et favorise une intégration progressive du royaume au marché intérieur de l’Union. Des débouchés non négligeables pour le Maroc en ces temps moroses de crise économique.
Un continent touché par la crise
L’Afrique a été touchée de plein fouet par la hausse des prix des matières premières. Pas suffisamment, sans doute, au regard du G20 qui a écarté le continent de son sommet du 16 et 17 novembre. Autre coup dur, le scandale du lait frelaté chinois. En septembre, la psychose a gagné le Burundi, le Gabon et la Tanzanie qui ont décidé de suspendre les importations de produits laitiers provenant de Chine.
Accusés, levez-vous !
L’Afrique voit aussi son histoire se dérouler hors du continent, notamment dans les palais de justice. On retiendra l’arrestation de Rose Kabuye. La directrice du protocole de Paul Kagamé, aurait été sacrifiée par Kigali afin que le Rwanda puisse accéder à l’intégralité du dossier et mieux assurer sa défense. Autre rebondissement dans l’affaire du génocide : l’inculpation, le 18 décembre, de Théoneste Bagosora, cerveau du génocide rwandais de 1994 condamné à la perpétuité par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).Les politiques africains ne sont pas les seuls dans le collimateur de la justice. L’ouverture de l’affaire de l’Angolagate a marqué tout le mois d’octobre. Près de 42 personnalités françaises sont accusées d’avoir organisé un trafic illicite d’armes à destination de l’Angola, alors en pleine guerre civile. L’affaire pourrait marquer un tournant pour la Françafrique.
Les exploits sportifs : |
« Yes we can »
Le président français, Nicolas Sarkozy, en surfant sur la vague Obama, entend donner une vraie place aux enfants issus de l’immigration africaine. Dans son discours du mercredi 17 novembre, le chef d’Etat français a annoncé une série de mesures en faveur de la diversité. A en croire ses propos, la discrimination, la ségrégation et l’inégalité des chances vont appartenir bientôt au passé. Dommage que Rama Yade et Rachida Dati « ses atouts de diversité » ne soient pas sûres de rester en janvier pour voir les progrès accomplis par le président.
Ce « Yes we can » n’a pourtant pas la même saveur qu’Outre-Atlantique. L’événement-phare de l’année 2008 est, sans aucun doute, l’élection de Barack Obama à la présidence américaine le 4 novembre dernier. Pour la première fois, un noir accède à la fonction suprême de la première puissance économique mondiale, rassemblant derrière lui les attentes des jeunes las de l’administration Bush. Même si le futur président, qui prendra ses fonctions le 20 janvier prochain, répète à loisir qu’il est le président des Etats-Unis, sa victoire a provoqué un séisme en Afrique.
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