Les coureurs Kenyans ont dominé le 1er marathon de Libreville organisé
le week-end dernier dans la capitale gabonaise. Ils se sont retrouvés
sans trop de peine dans le trio gagnant.
(De notre correspondant à Libreville)
Le premier Marathon du Gabon, couru en mode tout-temps, sous les nuages, l’averse puis sous un cuisant soleil, a tenu les promesses du défi équatorial annoncé : quatre mille partants, dont une majorité s’élançait sur le 10 km et le semi-marathon proposés sur un début de parcours commun, et la victoire finale aux Kenyans et aux Ethiopiens : Peter Kurui (Ken) l’emporte en 2 h 14.42, devant ses compatriotes Kiptanui Maswaï, 2h 15.44, et Luka Kanda, le meneur d’allure, 2h 17.02. Les femmes trustent les 9, 10 et 11e places, avec Milka Jerotich (Ken), 2h 34.04, Adilo Radiya Roba (Eth), 2h 46.27 et Joan Kigen (Ken), 2h 46.55. Premier gabonais, Yves Koumba-Koumba décroche un honorable 15e temps, en 3h 07.57.
Un ciel gris-noir sur le point d’exploser, le macadam déjà luisant, formaient dès le petit matin le décor sous tension d’une course inédite, d’une partition jamais jouée, celle d’un marathon sur l’équateur. Avec un tracé projeté comme un missile, des abords du palais présidentiel aux parages du stade de l’Amitié, là-bas presque en cambrousse dans les nouveaux quartiers du Libreville de demain. Avec ces milliers de Gabonais en sortie dominicale pour voir passer
les athlètes du circuit mondial ou leur voisin dans l’épreuve de sa vie. Avec tout un pays dans la pulsation marathon.
Les seigneurs de la piste
Electricité dans les pattes sur la ligne blanche : les meilleurs d’Afrique de l’Est, gavés de sucres lents et portés par le goût irremplaçable de la victoire, dansent d’un pied sur l’autre devant le portique électronique du départ. Derrière, un brouhaha d’énergie encore contenue, s’élève de la foule des engagés, tel le feulement d’un moteur prêt à faire donner les chevaux. Trois, deux, un, partez !
Pourchassé par l’hélico de course, les ouvreurs à vélo, un drone-caméra et des badauds entravés par les gadgets publicitaires, le cortège s’élance vers son destin, son éclatement immédiat, les pros vers l’horizon, les amateurs face à leurs limites. On attaque la Petite côte vers le rond-point de la Démocratie, il pleut des cordes extra-larges, l’enfer prend tournure.
Le 10 et le semi-marathon « pour le plaisir »
La force d’une course réside d’abord dans la puissance émotionnée que déploient les amateurs en quête d’exploit personnel, par-delà leur modestie musculaire, pour pouvoir dire avec fierté : « je l’ai fait ». Ainsi, du 10 et du 21 km, avec ces 3 500 coureurs recrutés dans les cercles amicaux ou chez les pompiers, les cadres super-fit et les fonctionnaires enfin en bol d’air libre. Samantha, gardienne de prison stylée gazelle, nous confie sans rire : « on est entraînés sur des distances bien plus grandes que le 10 km, afin de pouvoir courir derrière les détenus évadés ! Là, je viens m’amuser à galoper dans le sillage des Kenyanes ». Et voici Marie-Luce, la Franco-malgache, que l’on voit enchaîner les foulées avec une facilité déconcertante et passer la ligne d’arrivée illuminée par un magnifique sourire : « Je cours régulièrement sur le bord de mer et pour moi, aujourd’hui, c’est du pur bonheur. Courir libère vos énergies négatives, courir c’est du plaisir ! ».
Une demi-heure après le départ, les premiers brisent le ruban final, tels Marc Titus Nzoghe, 1er en 34 min 29, Prince Mbina, 2e en 34 min 52 et Arnaud Lemami, 3e en 35 min 08. Pendant ce temps-là, les adeptes du semi-marathon filent vers l’aéroport international pour une boucle revenant par le bord des belles plages de Libreville. Sur la plus haute marche du podium, le sapeur-pompier Hugues Kombila plie l’affaire en 1h 16.56.
Le marathon, 42.195 km pour l’exploit
Dans la cohue du départ, personne ne les remarque et leur entraîneur dira à la fin de l’épreuve qu’ils ont dû courir « sans leurs parents », avec leur seule force intérieure. Manière d’avouer que tant reste à faire pour ancrer l’esprit du défi athlétique dans le cœur populaire des Gabonais. Ce marathon, ainsi, tombe à pic, manière de répétition générale pour celui de l’an prochain.
Certifié par l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF), tracé et chronométré comme tel, le 42 de Libreville, An I, fonde une prise de conscience : on ne se frotte pas comme ça aux grands du circuit, sans préparation et sans régime alimentaire. Confirmation du coach des Gabonais, l’ancien marathonien Léonard Madinda, selon lequel « il faudrait bien mieux se préparer, et observer une diète très stricte, si l’on veut faire des temps canon ».
Echo présidentiel sur le même thème, quand Ali Bongo Ondimba, spectateur assidu de la course, tantôt posté dans la voiture du directeur de l’épreuve puis devant la ligne d’arrivée, déclare : « Il était important que cette première édition se déroule bien, et c’est le cas. La participation a dépassé nos espérances et je suis heureux de voir tant de femmes se lancer dans l’aventure. Maintenant, pour
aller plus loin, nous devons nous entraîner encore et encore ». Au final, le premier Gabonais Yves Koumba-Koumba arrive quinzième en 3h 07.57, devançant son compatriote Gaëtan Delika de 6 minutes.
Chez les seigneurs des hauts plateaux et de la vallée du Rift, l’explication se jouera vers le stade de l’Amitié, à mi-course, quand le meneur d’allure Luka Kanda joue encore son rôle de locomotive. Une boucle sur l’anneau rouge, et comme un ressort qui bondit, quasi catapultés, Peter Kurui, et Kiptanui Maswaï prennent le lead pour ne jamais vraiment le lâcher.
Ils couperont le ruban de la délivrance en 2h 14.42 et 2h 15.44, laissant la troisième place à Kanda, 2h 17.02. Chez les femmes, Milka Jerotich (Ken) triomphe en 2h 34.04 et confie sa satisfaction dans ces conditions climatique équatoriales totalement inédites pour elle. Elle devance l’Ethiopienne Adilo Radiya Roba (2h 46.27) et la Kenyane, Joan Kigen (2h 46.55).