A quelques heures de la célébration du 14 juillet, fête nationale de la France, le gouvernement français a voulu marquer les esprits en invitant des troupes africaines à se joindre au défilé, au côté de l’armée française. Mais l’initiative ne fait pas l’unanimité. Certains y voient un parfum de « néo-colonialisme » et parlent d’ingérence militaire sur le continent africain.
« Ce 14 juillet, avec nos amis et partenaires africains, est un grand signe, un signe de nouvelles relations ». Une déclaration de Yamina Benguigui, ministre française de la Francophonie qui en dit long sur la solidité des relations entre la France et l’Afrique.
En effet, le défilé du 14 juillet de cette année sera tout à fait différent des précédents. Le gouvernement français, dirigé par François Hollande, veut innover et marquer les esprits en mettant à l’honneur les troupes françaises et africaines ayant participé à l’opération Serval au Mali.
Une soixante de soldats ainsi que des casques bleus de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations-unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), déjà présents sur le sol français défileront ce dimanche au côté des soldats français. Mais ce n’est pas tout. La France veut également récompenser, voire mettre à l’honneur, les douze pays africains qui ont fortement contribué à la stabilisation du Nord-Mali dans le cadre de la Mission Internationale de soutien au Mali (Misma).
« Intérêts politiques, économiques et militaires de la France au Nord Mali »
L’idée est à la fois originale et très symbolique. Mais ne fait pas l’unanimité. « Ce défilé donne un parfum de victoire à une opération militaire qui est loin de pouvoir être présentée ainsi, étant donné les nombreuses zones d’ombre qui l’entourent et les incertitudes qui demeurent sur son issue », explique Fabrice Tarrit, Président de l’association «Survie». Il ne mâche pas ses mot et poursuit : « sous couvert de mobilisation en faveur de la démocratie et des Droits de l’Homme, cette intervention sert clairement les intérêts politiques, économiques et militaires de la France au Nord Mali. Un parallèle peut être dressé avec le défilé organisé par Nicolas Sarkozy en 2010, année de commémoration du cinquantenaire des indépendances africaines, en présence de 10 chefs d’Etats africains. François Hollande perpétue cette politique en prenant l’initiative sur des dossiers qui concernent avant tout les Africains, en s’entourant de chefs d’Etat et dictateurs alliés et en vantant l’ingérence militaire française sur le continent ».
« Il faut définitivement se décomplexer »
Une idée qui va carrément à l’encontre de celle de Yamina Benguigui qui, elle, parle de « parfum françafrique très fort » et appelle à porter un autre regard. « Il faut définitivement se décomplexer, avoir d’autres rapports et porter un autre regard », a-t-elle martelé.
Un autre point marqué par François Hollande dans sa volonté d’intégrer pleinement l’Afrique dans sa politique étrangère? En tout état de cause, le pari semble à moitié gagné. En déclenchant l’opération Serval au Mali, en janvier dernier, François Hollande avait montré toute la détermination de la France à aller au secours de l’Afrique, à chaque fois que le besoin se fait sentir.
L’intervention avait porté ses fruits, en jugulant la progression des troupes djihadistes et en éliminant les chefs terroristes, tels que Mokhtar Ben Mokhtar. Mais, elle était lourde de conséquences, à la fois politiques et économiques, au moment où la France traverse une grave crise financière. La classe politique est alors divisée.
« Au Mali, aucune des conditions de la réussite n’est réunie. Nous nous battrons à l’aveuglette, faute de but de guerre. Arrêter la progression des djihadistes vers le sud, reconquérir le nord du pays, éradiquer les bases d’Aqmi sont autant de guerres différentes », déclarait Dominique de Villepin, ministre français des Affaires étrangères sous l’ère Jacques Chirac, deux jours après l’intervention française.