129 morts dénombrés dans la tentative d’évasion à Makala : des voix s’élèvent contre ce drame, Samuel Mbemba désavoué


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Prison
Un homme en prison (illustration)

En RDC, les choses se clarifient de plus en plus dans l’affaire de tentative d’évasion de la prison centrale de Makala. Dans la soirée du lundi, le vice-premier ministre en charge de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, a présenté le bilan provisoire du drame. Au total, 129 morts sont dénombrés en plus d’importants dégâts matériels. Les réactions d’indignation ne se sont pas fait attendre.

Le bilan de la tentative d’évasion de la prison centrale de Makala en RDC fait froid dans le dos. Ce bilan, présenté lundi soir par le vice-premier ministre en charge de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, fait état de 129 morts, dont 24, par balles après sommation. Le reste a perdu la vie par étouffement dans les bousculades. Le ministre évoque également des cas de viols perpétrés sur quelques femmes sans préciser le nombre de victimes. En dehors de ceux-là, 59 blessés sont dénombrés et déjà pris en charge par le gouvernement pour des soins appropriés. Au plan matériel, Jacquemain Shabani parle de l’incendie des bâtiments administratifs, du greffe, de l’infirmerie et des dépôts de vivres du pénitencier. Le vice-premier ministre a tenu à rassurer le peuple congolais de la poursuite des enquêtes dont l’opinion sera informée de la suite.

Des Congolais dénoncent ce carnage

Ce bilan tragique n’a pas laissé indifférentes la classe politique et la société civile congolaise. « Je condamne, avec la plus grande fermeté, l’assassinat brutal des prisonniers à la prison de Makala. Ces exécutions sommaires sont un crime inacceptable qui ne peut rester impuni », a déclaré Martin Fayulu. La sanction des responsables est une exigence à laquelle le chef de l’ECiDé tient particulièrement. « J’exige que toute la lumière soit faite sur ce carnage, et que les responsables soient traduits en justice. Le respect de la vie humaine et de la dignité doit primer en RDC », a-t-il martelé.

Olivier Kamitatu du parti Ensemble pour la République de Moïse Katumbi a, pour sa part, déclaré ce qui suit : « Quelle que soit la cause du drame, rien ne peut justifier ce nouveau massacre. Notre devoir citoyen est de nous incliner devant la mémoire des victimes et dénoncer l’irresponsabilité scandaleuse des dirigeants qui ont transformé la RD Congo en un État où les atrocités sont devenues notre quotidien, où la vie humaine semble avoir perdu toute valeur ». Et d’ajouter : « Cette situation insupportable ne peut durer plus longtemps. Nous ne devons plus rester indifférents et les bras croisés face à la barbarie qui, chaque jour, ébranle les fondements mêmes de notre humanité ».

Samuel Mbemba : l’accusateur accusé

Ce lundi, la première autorité qui a avancé un chiffre relatif au bilan humain du drame de Makala est le vice-ministre la Justice, Samuel Mbemba. Dans son bilan, il a fait état de 2 morts, un chiffre qui était en déphasage avec de nombreuses sources qui évoquaient plusieurs corps étendus au sol après les coups de feu. Le nouveau bilan présenté par Jacquemain Shabani devant Samuel Mbemba – puisqu’il apparaît dans la vidéo aux côtés de son collègue en charge de l’Intérieur – démontre la fausseté du chiffre avancé par le vice-ministre de la Justice, et qui, visiblement, ne reposait sur aucune source fiable. Pendant que Samuel Mbemba parlait de 2 morts, il y avait en réalité au moins 129 morts.

Ce large fossé entre la réalité et le chiffre livré à la presse par Samuel Mbemba appelle des interrogations : sur quelles sources l’avocat s’était-il appuyé pour avancer ce chiffre à la limite fantaisiste ? A-t-il voulu simplement maquiller la vérité ? Si oui, quelles étaient ses intentions réelles pour qu’il veuille camoufler d’une façon aussi grossière une information si grave ? Sur les réseaux sociaux circulaient, lundi, des images montrant des dizaines de corps étalés au sol dans la prison. Samuel Mbemba n’a-t-il pas eu la possibilité de vérifier au moins l’authenticité de ces images ou alors d’aller chercher l’information réelle à la source avant de se prononcer officiellement ? Il est évident qu’il en avait les moyens, en sa qualité de vice-ministre de la Justice.

Ne pas l’avoir fait et se porter devant la presse pour avancer un chiffre ridicule qui témoigne d’une banalisation d’un drame et donc de la vie humaine, comme l’a fait remarquer l’opposition, constitue une faute grave de la part d’un responsable à ce niveau de la République. Et ça, Jean-Claude Katende, président de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (ASADHO), n’a pas manqué de le relever : « Le vice-ministre de la Justice doit être suspendu pour avoir menti au peuple sur le nombre de personnes décédées à la prison de Makala. Un homme qui ment sur des questions sensibles peut-il gérer dans la transparence un ministère ?  Trop, c’est trop », a écrit l’avocat.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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