« 12 Years a Slave » de Steve McQueen est sur les écrans français depuis ce mercredi. Film magistral sur l’esclavage qui réussit à incarner, dans le sens premier du terme, un système pensé conçu, administré et finalement aboli par des êtres humains.
Dans les Etats-Unis de ce milieu du 19e siècle, Solomon Northup est un Noir libre, qui mène une vie paisible avec sa femme et ses deux enfants, à Saratoga, dans l’Etat de New York. Son univers bascule lorsque deux prétendus artistes blancs proposent au musicien qu’il est de les accompagner. L’affaire sera conclue à Washington, mais sa nature est tout autre. Solomon Northup est kidnappé, avant d’être vendu comme esclave. Ainsi démarre le calvaire du héros de 12 Years a Slave signé par le cinéaste britannique Steve McQueen, en lice notamment pour le meilleur film aux Oscars et déjà heureux récipiendaire, entre autres, d’un Golden Globe dans la même catégorie.
12 Years a Slave, « People’s Choice Award » du dernier Festival de Toronto où il a commencé sa carrière internationale, c’est d’abord une perspective. Celle d’un homme qui découvre un monde qui lui est inconnu : celui de l’esclavage. L’expérience que le comédien britannique Chiwetel Ejiofor retranscrit à l’écran est au-delà des limites de l’indicible, comme le nouveau rêve que ne ne va cesser de caresser Solomon Northup, désormais baptisé Platt : recouvrer sa liberté confisquée. Le scénario de 12 Years a Slave est une adaptation du livre écrit à l’époque par l’Afro-Américain. Son regard sur cet abominable univers de cruautés est celui dont se sert Steve McQueen pour offrir, ensuite, une saisissante galerie de portraits des acteurs d’un système inhumain, qui a pourtant perduré pendant des siècles, et dont les réminiscences polluent encore le quotidien de bien des populations sur la planète.
La prouesse artistique de Steve McQueen est d’avoir réussi ainsi à dessiner les contours et de faire de l’esclavage le personnage principal de son dernier film. Il en a fait un monstre articulé qui étale à la fois sa puissance et qui effleure à l’envi son réputé inaccessible point faible : l’humanité.
Les multiples visages de l’esclavage
« 12 Years a Slave » est une chaîne d’actions disséquée. Elle démarre avec des hommes de main qui transpirent la cruauté, transite par un vendeur d’esclave machiavélique (Paul Giamatti), pour arriver sur les exploitations de propriétaires d’esclaves aux fortunes diverses. A l’image de leurs intendants, les maîtres en chef des plantations ont une palette de comportements qui varient entre sadisme et lâche compassion.
Michael Fassbender, acteur fétiche de Steve McQueen, s’illustre dans la peau d’un propriétaire pervers, lunatique et obsessionnel. L’objet de ses désirs n’est autre que Patsey, incarnée par la Kényane Lupita Nyong’o, plusieurs fois distinguée pour sa performance dans un second rôle. Une catégorie dans laquelle elle est de nouveau nommée aux Oscars. Du côté des victimes, le personnage de Patsey navigue sur les bords du désespoir et manque souvent d’y sombrer, sans en avoir vraiment le courage. Solomon Northup s’y refuse, lui, avec la dernière énergie. Renonçant à une rébellion systématique et un courage qui ne serait que verbal, il a mis au point une stratégie de survie qui combine la subtile affirmation de l’homme libre qu’il a été et l’espoir toujours vivace de le redevenir. Quant au personnage interprété par Alfre Woodard, esclave devenue l’épouse de son maître, elle attend patiemment que justice divine soit faite, tout en jouissant de la chance d’avoir pu quitter les champs.
Les Noirs ont matériellement quitté les lieux d’exploitation tels que pensés par l’esclavage, à l’instar de Solomon Northup. Cependant « 12 Years a Slave » est une piqûre de rappel salvatrice pour veiller à préserver toutes les libertés et à combattre toutes les formes d’esclavages et d’injustices qui ont (malheureusement encore) cours.