Dix ans après les attentats du 11 septembre, 48 % des Américains continuent de penser que les relations entre musulmans et occidentaux sont précaires. C’est ce que montre un sondage mené récemment par le Pew Global Attitudes Project. Selon cette même enquête, les chiffres sont en général plus élevés dans les pays majoritairement musulmans. Ces données reflètent une peur continuelle, une confusion et des stéréotypes constants, autant chez les peuples musulmans que chez les autres.
Si les données servant à démentir les mythes et les stéréotypes au sujet des musulmans ne manquent pas, elles n’arrivent pas toujours jusqu’au grand public, surtout en occident.
Puisque d’ordinaire la majorité des personnes ne se plonge pas dans des écrits issus de la recherche académique, il est indispensable de rendre accessibles au plus grand nombre les ressources qui traitent de l’islam et du peuple musulman.
A ce propos, une nouvelle série de clips vidéo d’une durée de deux minutes chacun, intitulée « 100 questions sur l’Islam », vise à informer sur ce sujet en se servant d’un des outils médiatiques les plus efficaces : la vidéo en ligne. Ces vidéos présentent des entretiens avec des érudits et des journalistes qui mettent à l’épreuve les stéréotypes sur les musulmans, en soulignant les résultats de recherches récentes qui portent sur l’opinion publique et en clarifiant les faits sur des sujets allant de la charia (loi islamique) au hijab (le voile).
Cette série unique de vidéos est une initiative commune du projet Our Shared Future du British Council – qui vise à améliorer non seulement les relations interculturelles aux Etats-Unis et en Europe, mais aussi le discours au sujet des musulmans – et de l’Alliance des civilisations des Nations Unies, en collaboration avec le département de journalisme de l’Université du Missouri.
Dans une des vidéos, par exemple, Jen’nan Read – professeur en sociologie à l’Université de Duke, Libyen et de religion chrétienne – relève une caractéristique fondamentale des communautés arabes et musulmanes des Etats-Unis, caractéristique qui dément les idées reçues. Il affirme que « s’il est vrai que la plupart des Arabes à travers le monde sont musulmans, la majorité des Arabes des Etats-Unis sont chrétiens – et il ne s’agit pas des musulmans convertis au christianisme, mais de Chrétiens d’Orient. » Sur la base de ce fréquent malentendu, il n’est pas surprenant que de nombreux Américains affirment ne connaître aucun musulman.
Un autre fait méconnu est l’intégration réussie des communautés musulmanes dans divers domaines, ce qui en fait des participants actifs dans l’économie et la politique américaines. John Esposito, théologien à l’Université de Georgetown, affirme que « la plupart des gens ne se rendent pas vraiment compte de ce que nous tenons pourtant de source sûre : les musulmans font bel et bien partie du système américain, que ce soit d’un point de vue économique, politique ou éducatif ». Il ajoute que, en ce qui concerne le niveau d’études, « la communauté musulmane se trouve juste derrière la communauté juive en termes d’intégration ».
Il existe bien d’autres domaines où les faits et l’opinion publique divergent. Le professeur Esposito précise qu’en politique, ceux qui craignent l’influence de la charia ignorent qu’il n’existe aucun mouvement qui viserait à l’imposer aux Etats-Unis. D’un point de vue plus personnel, Sarah Joseph, directrice générale et rédactrice en chef du magazine Emel-Muslim Lifestyle, souligne que les personnes qui mettent en cause le hijab et d’autres coutumes qui consistent à se couvrir la tête ou le corps oublient que cette pratique n’est de loin pas en contradiction avec d’autres traditions religieuses. Par exemple, certaines églises chrétiennes traditionnelles exigent le port du voile chez les femmes pendant les cérémonies religieuses.
Alors pourquoi est-il si important de lutter contre ces conceptions erronées ? Melody Moezzi, juriste et écrivaine interviewée dans le cadre des 100 Questions, soutient que la discrimination d’une minorité met en danger la culture de l’immigration, qui est la base de la société américaine : « l’islamophobie me menace en tant que citoyenne américaine, et non pas en tant que citoyenne américaine de religion musulmane… Lorsqu’une minorité est victime de discrimination ou de haine sans raison valable, et que des lois sont adoptées contre ces minorités, cela me nuit en tant que citoyenne américaine. »
Parfois, le meilleur moyen de combattre des conceptions erronées, sur n’importe quel sujet, et non seulement au sujet des Musulmans et de l’Islam, est de donner la parole à ceux qui peuvent nous expliquer les faits. Mais un dialogue instruit ne doit pas nécessairement avoir lieu sur un site internet ou dans un journal. Comme le fait remarquer le professeur Esposito, « plus les modalités d’interaction seront variées, que ce soit sur la place publique, ou dans notre entourage, plus nous avons de chances d’obtenir le changement dont nous avons besoin : élargir de notre vision du monde. »
Souvenons-nous que le fait de s’appuyer sur des données au sujet des relations intercommunautaires n’est qu’un début : nous devons également regarder autour de nous et tisser des liens qui nous sont propres.
* Kara Hadge est la directrice de Digital Media au British Council (aux Etats-Unis) et travaille pour le projet Our Shared Future (www.oursahredfuture.org). Marc Scheuer est le directeur de l’Alliance des Civilisations des Nations Unies (www.unaoc.org).
Article écrit pour le Service de presse de Common Ground (CGNews).
Source : Service de presse de Common Ground (CGNews), le 16 septembre 2011,
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