Le Projet SRA (Santé de Reproduction des Adolescents), lancé par le Programme de Marketing Social au Cameroun, vise à sensibiliser les 15/25 ans face aux dangers de transmission du sida pour leur faire adopter des comportements sans risque, en particulier l’usage du préservatif. Divers moyens de communication doivent être mis en oeuvre de manière combinée. Interview de Marie Lequin, partie prenante à ce programme.
Afrik.com : A quels objectifs répond votre engagement et votre action ?
Marie Lequin : Sur 15 millions d’habitants, le Cameroun compte aujourd’hui 1,5 millions de séropositifs. Soit un Camerounais sur dix. Il y a un an, lorsque notre programme a été lancé, la proportion n’était que de un sur douze, ce qui est déjà énorme. Cette évolution montre l’ampleur du problème et combien une prise de conscience rapide est nécessaire, si l’on veut juguler l’hécatombe.
Afrik : Comment expliquez-vous cette hécatombe ?
Marie Lequin : Il s’est vendu en 2000 15 millions de préservatifs au Cameroun. Cela fait un préservatif par personne. Autant dire que dans une population qui a majoritairement entre 15 et 35 ans, tout le monde ne se protège pas encore. Donc, il faut informer et informer encore, alerter chacun sur les risques qu’il prend et qu’il fait prendre à d’autres. C’est le coeur de notre action et de notre engagement, mais une fois la prise de conscience réalisée, il faut aussi que les jeunes aient les moyens de se protéger. Cela passe aussi par la mise sur le marché de préservatifs fiables à prix coûtant, soit quatre préservatifs pour 100 FCFA (1FF). C’est le prix que nous pratiquons sur les produits que nous distribuons.
Afrik.com : Concrètement, quels outils de promotion utilisez-vous ?
Marie Lequin : Nous animons une campagne de sensibilisation autour du slogan : » 100% jeune, 100% réglo « . Il s’agit d’associer l’idée de protection avec celle d’un comportement jeune. Pour éviter que les jeunes, convaincus qu’ils sont sains, beaux, pleins d’énergie, ne renoncent pas à se protéger alors même qu’ayant des partenaires multiples ils sont les plus exposés. Un jeune séropositif ne porte pas écrit » virus » sur son front. Le plus souvent il ignore qu’il en est porteur. C’est alors qu’il est le plus dangereux.
Afrik : Quels sont vos moyens de sensibilisation ?
Marie Lequin : Notre campagne s’appuie sur plusieurs supports. D’abord, deux émissions de radio, tous les mercredis à Douala de 16 à 17 heures sur FM 105 et tous les vendredis de 16 à 17 heures sur Radio RTS. Ce sont des émissions interactives, avec de la musique, un invité-santé et des témoignages. Ces émissions jouent un rôle important pour vulgariser les connaissances sur le sida, dédramatiser, dénouer les complexes et les a priori et finalement faire adopter des comportements protégés.
Ensuite, nous avons une équipe de 24 » PEP « , Pairs Educateurs et Promoteurs, c’est-à-dire des jeunes d’une vingtaine d’années qui organisent des actions de promotion et de sensibilisation auprès de leur génération pour l’usage des préservatifs. Cela passe par des animations, souvent du théâtre, des causeries en milieu scolaire, des shows interactifs. Ils sont les ambassadeurs, au quotidien, du programme dans les quartiers.
Afrik : Comment faites-vous pour impliquer les jeunes ?
Marie Lequin : Le mensuel, » 100% jeune Le Journal « , qui est distribué à 30 000 exemplaires au prix de 50 FCFA, est un journal fait par les jeunes, pour les jeunes. Avec des dossiers et des thématiques, réunis autour du thème de la campagne : se protéger du sida et des MST, utiliser le préservatif. Enfin, nous animons aussi une campagne mass médias, à travers la chaîne nationale MCM Africa qui diffusera par exemple les spots » 100% jeune 100% réglo » en trois déclinaisons pendant 1 mois et demi à partir de septembre 2001, les radios locales, et l’affichage…
Afrik : Un an après le début du programme, quel bilan ?
Marie Lequin : Il est trop tôt pour un bilan ! Nous sommes dans une action de longue haleine qu’il faut poursuivre et amplifier. J’ai déjà le sentiment que nous sommes reconnus, que les jeunes réagissent positivement à notre programme, qu’ils écoutent le message. Ce qui ne veut pas dire qu’ils se protègent. Mais certains comportements changent.
Afrik : Avez-vous rencontré des obstacles, des blocages ?
Marie Lequin : Même s’il reste des blocages, notamment du point de vue de la religion – les autorités religieuses étant largement hostiles au discours sur le préservatif car elles y voient une incitation à l’amour hors mariage et à l’infidélité. Mais il faudrait se rendre compte, au vu même des chiffres, que l’amour hors mariage existe de toute manière et qu’il faut aussi en éviter les conséquences mortelles.
Nous avons aussi à lutter contre les rumeurs les plus baroques : certains lots de préservatifs seraient contaminés par le VIH, ou ils donneraient le cancer… Bref, nous devons sans relâche matraquer l’information, pour faire adopter des comportements sans risque et pour faire reculer les réflexes irrationnels.