Les réfugiés subsahariens connaissent une grave crise humanitaire à laquelle le gouvernement tunisien reste sourd et aveugle. Afrik.com est allé à la rencontre d’Amna Guellali, la représentante tunisienne de Human Rights Watch pour nous éclairer sur la situation des réfugiés subsahariens placés, depuis deux ans, dans le camp de Choucha.
Trouvant refuge près de la frontière tuniso-libyenne, la situation des réfugiés subsahariens en Tunisie se dégrade au fil du temps. Ils sont aujourd’hui victimes de racisme, de discrimination et de persécution. Ils vivent également dans des conditions misérables qu’ils dénoncent à travers une grève de la faim entamée le 29 mars dernier.
La société tunisienne n’est pas « impliquée » dans ce combat
Amna Guellali, la représentante tunisienne de Human Rights Watch, commence par affirmer que la situation des réfugiés subsahariens en Tunisie est « très problématique ». La Tunisie actuelle est, rappelle-t-elle, en pleine mutation révolutionnaire. Et la société civile, étant très engagée dans des combats nationaux de grande ampleur, n’est guère « impliquée » dans cet enfer que vivent les réfugiés subsahariens au quotidien.
Le gouvernement, selon elle, se place dans une « gestion de transfert » qui n’a jamais voulu « relocaliser ces personnes dans les pays d’accueil comme la Tunisie », mais en réalité ils attendent que les actions viennent à leur terme avec la clôture du camp au mois de juin prochain pour pousser ces déplacés à retourner dans leur pays d’origine.
Rejet des demandes d’asile
« Il n’existe aucune réglementation par rapport à leur statut », dit-elle concernant les réfugiés subsahariens. « Et quand ils demandent une reconnaissance de la nation ou l’asile : celle-ci est aussitôt rejetée », fustige-t-elle. « Le UNHCR (le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés) s’est chargé de leur intégration sur le sol tunisien mais le cadre qu’il a établi n’est pas clair en soi. Et ce cadre, les réfugiés le refusent formellement parce qu’il ne propose aucune reconnaissance ni des droits supplémentaires. Ce qui les ramène au point de départ : ne disposer d’aucun statut dans la société tunisienne ».
« Le racisme anti-noir »
De plus, « ces personnes n’ont pas accès aux soins, à la nutrition, et à l’éducation. L’accès à l’hôpital leur est interdit parce qu’ils n’ont pas de droits ni de couverture sociale leur permettant de se soigner » regrette la représentante de Human Rights Watch en Tunisie. Et pour expliquer cette distinction entre les réfugiés libyens (bien accueillis et bien intégrés à la société tunisienne) et subsahariens, Amna Guellali rappelle que « c’est la première fois depuis 50 ans que la Tunisie accueille des réfugiés. A leur arrivée en Tunisie, les libyens avaient les moyens de vivre et de se débrouiller alors que les réfugiés subsahariens n’ont pas eu une prise en charge adéquate. Leur non-intégration est due aussi, et en grande partie, au racisme anti-noir qui perdure dans les mentalités en Tunisie et qui existe depuis longtemps vis-à-vis même des noirs tunisiens ».
Pour venir en aide à ces nombreux réfugiés, Human Rights Watch et Amna Guellali affirment que « notre seul moyen d’action se limite à exposer les abus dont ils sont victimes, le vide juridique dans lequel ils se trouvent et faire pression sur l’ État pour apporter des solutions à leur situation. Une solution qui permet de déterminer des mesures gouvernementales avec l’ État tunisien pour définir juridiquement et matériellement le statut des réfugiés ».