Accusé d’être au centre d’un réseau de trafic de drogue et d’avoir vidé les caisses de l’Etat, le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz est en mauvaise posture. Sa situation est de plus en plus précaire et la tension liée aux évènements du Mali voisin, avec qui la Mauritanie a de grandes frontières, pourrait précipiter sa chute.
Il y a quelques semaines, interrogé sur la situation au Mali, l’homme politique écologiste Noël Mamère déclarait sur la chaîne franco-allemande ARTE que le Président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz était impliqué dans des affaires de trafic de drogue : « Est-ce que vous imaginez que les Jihadistes vont disparaître et qu’ils ne vont pas se réfugier en Mauritanie, où il y a un président qui est le parrain d’un trafic de drogue par exemple ? »
Une déclaration fracassante qui a fait l’effet d’une bombe en Mauritanie ou la cote d’Aziz était déjà au plus bas. Interrogé par mauriweb, le député français a réitéré ces accusations « Je vous confirme les propos que j’ai tenus concernant le président de la Mauritanie, qui ne font que confirmer ce qui est de notoriété publique » et de préciser le processus en faisant référence aux relations de président mauritanien « avec Hamdi Boucharaya, consul général de Guinée-Bissau, pays aujourd’hui plaque tournante du trafic de la région (…) On ne compte plus ses visites au Palais présidentiel de Nouakchott. C’est véritablement secret de polichinelle que de savoir qu’il a pignon à la Présidence mauritanienne et que le président Aziz ne lésine pas sur les marchés publics attribués en sa faveur sous couvert d’un partenariat avec des sociétés espagnoles comme Atersa photovoltaique, inaugurée récemment par votre premier Ministre», poursuit Noêl Mamère.
Après le député français, c’est au tour de l’opposant Moustapha Limam Chafi, ancien conseiller du président Burkinabè, Blaise Campaoré, de confirmer ces accusations dans une longue interview à rmibiladi « J’ai été informé d’une affaire au Ghana dans laquelle aurait trempé Aziz pendant la période de la transition d’Ely Ould Mohamed Vall. A l’époque le colonel Aziz aurait mandaté un émissaire –dont je préfère taire le nom – afin de le représenter dans une transaction qui semblait illicite. Ses partenaires dans cette affaire disposent encore d’enregistrements accablants…»
Des accusations pour l’instant restées sans réponse, à tel point que dans une déclaration, la Coordination de l’opposition démocratique (COD), un collectif qui regroupe une douzaine de partis mauritaniens, interpelle le gouvernement pour lui demander une réaction officielle.
Le combat de trop ?
La Mauritanie est dans une situation financière critique, le pouvoir et ses proches sont soupçonnés d’avoir vidé tous les comptes, dont celui de la Banque Centrale de Mauritanie, et les recettes futures comme la gestion des ressources de pêche sont déjà hypothéquées. Une situation qui devient intenable dans un pays déjà sous pression pour sa gestion de l’esclavage et du problème des negro-mauritaniens.
L’étau se resserre autours d’Aziz qui perd chaque jour des soutiens et un peu plus de sa crédibilité. Déjà affaibli fin 2012 par son accident ou tentative d’assassinat selon les interprétations, il est aujourd’hui au centre d’une forte contestation interne. Depuis la semaine dernière les partisans du puissant homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou manifestent en effet à Nouakchott pour appeler à un départ du président mauritanien et la presse mauritanienne jusqu’alors très discrète semble se libérer. Bouamatou, qui avait soutenu et même porté Aziz lors de l’élection de 2009, est aujourd’hui en conflit ouvert avec le pouvoir, trois de ses sociétés faisant actuellement l’objet d’un redressement fiscal pour un montant d’environ 4 milliards d’ouguiyas (13 millions de dollars).
Un nouveau front qui est peut être celui de trop pour Aziz car Mohamed Ould Bouamatou est toujours très écouté à Paris où il ne manque pas de soutien. Et aujourd’hui, la grande question est justement de savoir quelle va être la position de la France qui a besoin que la frontière avec le Mali reste bien étanche. C’est la que la position de Noël Mamère prend toute sa signification : « Est-ce que vous imaginez que les Jihadistes vont disparaitre et qu’ils ne vont pas se réfugier en Mauritanie où il y a un président qui est le parrain d’un trafic de drogue par exemple. Si au départ c’est la seconde partie de la phrase sur le trafic de drogue qui a interpellé, au final la plus importante est sans doute le début concernant les Jihadistes. Ce que les déclarations du député français signifient, c’est finalement qu’il faut un changement de président en Mauritanie pour fermer la frontière.