À l’occasion de la Journée Mondiale des Réfugiés, organisée le 20 juin 2016, International Refugee Rights Initiative (IRRI) souhaiterait attirer l’attention des autorités et de l’opinion publique sénégalaise et internationale sur la situation des réfugiés et demandeurs d’asile au Sénégal.
Communiqué à l’occasion de la Journée Mondiale des Réfugiés
Dakar, 20 juin 2016
Selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les Réfugiés, 14 274 réfugiés et 2 914 demandeurs d’asile de diverses nationalités ont été enregistrés au Sénégal en 2015. Beaucoup de réfugiés choisissent le Sénégal en raison de son système politique, la démocratie. Il se trouve qu’au Sénégal les demandeurs d’asile et les réfugiés sont confrontés à d’énormes difficultés surtout par rapport à la procédure d’asile.
Est réfugié toute personne qui, « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays », en vertu de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés ainsi que son Protocole additionnel de 1967. Le Sénégal est partie à ces conventions ainsi que celle de l’OUA de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique. Il a également adopté le Décret n°68-27 du 24 juillet 1968, modifié par la Loi n°75-109 du 20 décembre 1975, portant création de la Commission Nationale d’Eligibilité au statut des réfugiés, qui se trouve être l’organe gouvernemental qui octroie ou non le statut de réfugié.
Ainsi, il y a des problèmes majeurs dans le système d’asile sénégalais auxquels il faut trouver une solution, particulièrement concernant la procédure de détermination du statut de réfugié. De sérieuses lacunes administratives et procédurales empêchent ceux qui ont besoin de protection d’en bénéficier. La Commission Nationale d’Eligibilité est extrêmement lente dans le traitement des dossiers, laissant certains demandeurs d’asile attendre près de trois ans avant de recevoir une décision[1]. A titre de comparaison, l’Afrique du Sud traite les demandes d’asile en six mois. Ce retard injustifié aggrave considérablement la situation des demandeurs d’asile, pourtant déjà vulnérables. De nombreux demandeurs d’asile ne peuvent pas se sentir en sécurité, psychologiquement, jusqu’à ce qu’ils obtiennent un véritable statut juridique.
Une législation qui fixerait un délai pour le traitement des demandes d’asile, serait une étape cruciale pour lutter contre cette situation. Au Sénégal le taux d’octroi du statut de réfugié est très bas. Les demandeurs d’asile n’ont souvent pas accès à l’aide humanitaire jusqu’à ce qu’ils soient reconnus comme étant réfugiés. De plus, le Sénégal n’a pas prévu de centre d’accueil pour les demandeurs les plus vulnérables tels que les femmes enceintes, les enfants non accompagnés et les personnes âgées.
De surcroît, il se trouve que le système d’asile sénégalais n’a pas prévu une instance de deuxième degré pour faire appel. Ce sont les membres de la Commission qui étudient les demandes d’asile en première instance et les recours. Et pendant toute cette période d’attente, le requérant d’asile ne bénéficie généralement pas d’une assistance. Il est laissé à lui-même.
Pour mieux prendre en charge la problématique des réfugiés, certains pays mettent en œuvre des mesures concrètes. Le Togo, par exemple, a amélioré sa loi nationale sur le sujet en mars 2016, en créant une commission de recours qui donne une seconde chance aux demandeurs d’asile en cas de rejet en première instance par la Commission nationale pour les réfugiés.
Un nombre important de réfugiés a des difficultés pour obtenir une carte d’identité de réfugié et un titre de voyage. Et ceux qui obtiennent ce document d’identité sont confrontés à d’autres obstacles. En effet, ces cartes ne sont pas reconnues par certains établissements publics et privés. Une nouvelle législation clarifiant les procédures pour l’obtention de tels documents serait une première étape importante dans la lutte pour l’amélioration de la condition des réfugiés. En outre, l’Etat devrait mener des campagnes de sensibilisation afin que tous les fonctionnaires concernés reconnaissent et acceptent de reconnaître les documents de réfugiés.
Il est important de rappeler que le réfugié ne quitte pas son pays parce qu’il le souhaite. Il le quitte parce qu’il y est contraint en raison de la guerre, la persécution, la discrimination, les violations massives des droits de l’homme, etc. Le réfugié fuit son pays en catastrophe. Il y laisse tout et se retrouve projeté dans un avenir incertain, en milieu étranger. C’est ce qui justifie sa vulnérabilité. Il a par conséquent besoin de recevoir une protection effective de son pays d’accueil.
IRRI encourage vivement le gouvernement sénégalais à réexaminer sa législation nationale afin de pallier les faiblesses de son système d’asile.