Bien que libérée par les soldats de l’armée française, la tension est toujours vive au sein de la population du nord-Mali. L’heure est désormais aux règlements de compte. Les touaregs sont depuis quelques semaines victimes de la vengeance des populations et des éléments de l’armée malienne qui les accusent d’être liées aux groupes islamistes.
Œil pour œil dent pour dent. Comme le dit le dicton, la vengeance est un plat qui se mange froid. Actuellement il vaut mieux ne pas être touareg ou arabe dans le nord-Mali. Ces derniers sont victimes de violences et d’exactions commises par la population et des éléments de l’armée malienne qui les accusent d’avoir soutenu les islamistes. Alors que les « anciens bourreaux », qui voulaient imposer la charia ont fui, désormais la région fait les frais de « nouveaux bourreaux » animés par le désir de vengeance.
Selon cet humanitaire touareg, contacté par Afrik.com, qui a préféré gardé l’anonymat de peur des représailles, plusieurs centaines de Touareg fuient le nord-Mali pour se mettre à l’abri des exactions. D’après lui, « pas plus tard que trois jours, un commerçant touareg a été tabassé jusqu’à la mort par une partie des habitants de Gao ». Un chauffeur de bus touareg, pris à partie par les habitants de la ville, a « heureusement pu s’échapper à temps vers le Burkina Faso », précise le jeune homme.
Tombouctou n’est pas épargnée par cette tension. Actuellement, désordre et psychose règne dans la ville malienne symbolique. Tous ceux qui sont considérés comme étant des islamistes sont lynchés. Plusieurs centaines d’habitants, pour la plupart pauvres, ont pillé les magasins généralement tenus par selon elles, « des Arabes », « des Algériens », « des Mauritaniens », accusés d’avoir soutenu les ex-occupants du nord liés à Al-Qaïda.
Les pilleurs ont pris tous ce qu’ils trouvaient sur leur passage : télévisions, antennes satellites, nourriture, meubles, vaisselle… Certains, selon l’AFP, se battaient pour la possession d’objets, d’autres défonçaient les portes métalliques verrouillant les échoppes, dont certaines ont été intégralement vidées en quelques minutes.
L’avenir des Touaregs toujours en question
Des éléments de l’armée malienne aussi n’hésitent pas à s’en prendre directement à tous ceux dont ils estiment être liés aux islamistes. Touaregs et arabes sont en ligne de mire. Depuis plusieurs jours déjà, des ONG telles que la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) ou encore Human Right Watch les accusent d’exactions. Des dizaines de Touaregs auraient été exécutés. Des crimes qui auraient débuté le 10 janvier. Au moins 11 personnes auraient été tuées à Sévaré, au nord-est de Bamako, dans un camp militaire selon la FIDH. Des crimes auraient également été commis à Mopti et Nioro.
Les actes de représailles envers les Touaregs. C’est bien ce que craignait depuis le début Bamako et Paris. La fracture entre le nord et le sud du Mali s’est agrandie. La méfiance et l’incompréhension entre les deux parties du territoire s’est amplifiée. La libération du nord n’est qu’une étape parmi beaucoup d’autres, notent de multiples observateurs, estimant que « le plus dur reste à faire ».
Le Mali n’est en effet pas au bout de ses peines. Comment réconcilier toutes les populations du pays issues de différentes ethnies ? C’est à cette question que vont devoir répondre les autorités à Bamako. Le temps presse. Et en attendant la chasse aux touaregs se poursuit. Dioncounda Traoré a d’ailleurs annoncé que des prochaines élections seront organisées au plus tard en juillet prochain pour stabiliser la situation du pays.
L’organisation du prochain scrutin ne sera pas l’unique préoccupation de Bamako. La question de l’indépendance de l’Azawad va aussi devoir être mise sur la table. Le mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui a affirmé lundi avoir pris le contrôle de la ville de Kidal, s’est dit prêt à négocier avec les autorités maliennes.
Les rebelles touaregs savent que leur avenir n’est pas encore assuré au Mali. Ils réclament toujours l’indépendance de l’Azawad. Une requête rejetée par Bamako et Paris qui défendent l’unité territoriale du Mali. Or, la place des touaregs dans le pays est l’une des pièces maîtresses d’une paix durable dans la région.