Voilà maintenant plus de trois ans que le Président Laurent Gbagbo est incarcéré à la Cour pénale internationale (CPI) pour diverses charges qui pèsent sur lui. Normalement, dans un mois, il devrait être fixé sur son sort. Il saura si les crimes qui lui sont reprochés sont confirmés ou rejetés.
C’est donc une attente interminable pour cet animal politique qui se bat comme il peut avec ses avocats pour échapper à la condamnation et, pourquoi pas, revenir sur la scène politique ivoirienne. Si ces charges ne sont pas confirmées, stimulé par cette victoire, il peut tenter à nouveau de reconquérir le pouvoir en octobre 2015, cette fois-ci, espérons-le, de manière démocratique.
Les nerfs mis à rudes épreuves
Comme lui, ses plus fidèles partisans, ceux qui ne jurent que par lui, sont dans une attente insoutenable. Ils espèrent aussi que les juges de La Haye ne reporteront pas une nouvelle fois leur décision à une date ultérieure. Les clubs de soutien s’animent un peu partout en Côte d’Ivoire, en France, aux Etats-Unis et sur les réseaux sociaux. Des séances de prières organisées dans les églises, notamment évangéliques, pour sa libération, sont l’œuvre de fidèles qui espèrent toujours. Les nerfs sont donc mis à rude épreuve y compris chez ceux qui ne souhaitent pas réellement le retour de l’ancien chef d’Etat ivoirien, au FPI comme au sein du Rassemblement des Houphoëtistes pour le Démocratie et la Paix (RHDP). Les temps ont changé. Trois années difficiles et douloureuses se sont écoulées. Parmi les anciens camarades de route du Président Gbagbo, certains ont sans doute déjà retournés leur veste. D’autres ne souhaitent peut-être plus se lancer dans des aventures politiques ou idéologiques incertaines, dont l’issue pourrait à nouveau les conduire vers des horizons inconnus et regrettables.
Ambitions étouffées au FPI
En politique, le malheur des uns fait toujours le bonheur des autres. C’est un univers d’intérêts, d’opportunités et de rapports de force permanents. Il est donc évident que l’absence actuelle du Président Gbagbo suscite des ambitions secrètes ou non avouées pour l’instant de certains cadres du FPI. Chacun espère donc jouer plus tôt que tard le premier rôle au sein de cette formation politique. Pour l’instant, personne n’ose afficher publiquement son ambition, même si on peut bien le deviner chez certains. Tous attendent donc la décision de la CPI pour se positionner ouvertement au sein du FPI. Au RDR comme au PDCI, il est aussi probable que la confirmation des charges contre l’ex-Président, facilitera plus les choses pour l’élection présidentielle de 2015. Objectivement, même si le Président Gbagbo revenait pour se présenter à nouveau contre le candidat du RHDP (au cas où l’option de la candidature unique serait retenue), il y aurait très peu de chance qu’il puisse le battre loyalement.
Retournement d’une partie de l’électorat FPI
En trois ans, beaucoup de choses se sont passées. Son électorat traditionnel (les enseignants, les fonctionnaires, les syndicalistes, les populations de l’Ouest, etc) a évolué. Une grande partie est fatiguée des combats idéologiques sans réponses concrètes à leurs préoccupations quotidiennes. En trois années d’exercice du pouvoir, le RHDP a commencé à apporter des solutions aux différentes difficultés des populations ivoiriennes, quelles que soient leurs supposées affinités politiques. Différentes infrastructures de développement et de modernisation sont réalisées et d’autres en cours de finition. Le pays renoue avec la croissance économique, son image sur le plan international est à nouveau valorisée, l’enseignement redevient crédible, les structures de santé sont réhabilitées et modernisées, les investisseurs renouent avec la Côte d’Ivoire, etc. Tout cela peut favoriser un retournement d’une grande partie de son électorat qui croyait aveuglement à toutes sortes de dénigrements sur l’actuel chef de l’Etat. Certains cadres rentrés d’exil aspirent désormais à une vie paisible sans engagement idéologique hasardeux.
La jeunesse qui a payé un lourd tribut durant cette crise post-électorale ne semble plus prête également à se sacrifier inutilement pour satisfaire les ambitions personnelles des uns et des autres. Désormais, elle attend de voir concrètement qui peut le mieux assurer son avenir, dans un monde sans cesse en mouvement, où les opportunités s’offrent à ceux qui se forment et valorisent leurs compétences, et non à ceux qui exhibent leurs muscles pour espérer avoir de quoi s’acheter une bière.
