« La délinquance est le fait des immigrés »


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Rapport Benisti

La commission Bénisti a remis son pré-rapport en novembre dernier au ministre de l’Intérieur. Le rapport définitif est à venir sous peu, synthèse de propositions de lois sensées mettre un terme à la délinquance par la suppression du bilinguisme avant 12 ans, le placement en structures spécialisées, parallèles, des sanctions, etc. « Les jeunes immigrés n’ont qu’a bien se tenir », semble annoncer cet inquiétant rapport…

Par Koceila Bouhanik

Le bilinguisme est le lit de la délinquance chez les populations immigrées. Voilà en teneur la saisissante équation théorisée par Jacques-Alain Bénisti, député UMP [Union de la Majorité Présidentielle, parti de droite au pouvoir] du Val de Marne et maire de Villiers-sur-Marne. Le député-maire français est également président d’une Commission parlementaire[17 membres, dont 14 de UMP, deux du Parti Socialiste (PS) et un de l’Union pour la Démocratie Française (UDF)] chargée d’enquêter sur les moyens à mettre en œuvre pour prévenir la délinquance et qui a à cet effet présenté un [pré-rapport très controversé, dans lequel elle affirme que le bilinguisme des populations immigrées est à l’origine de leur délinquance. Afrik ne pouvait que réagir à la parution du pré-rapport, mais la démarche ne suffisait pas. Pour mieux comprendre, nous sommes allés à la rencontre du principal intéressé. C’est un député affable et cordial qui nous a reçu dans son cabinet de l’Assemblée nationale, mercredi 9 mars. Affable, certes, mais toujours aussi convaincu du bien-fondé de son pré-rapport. Près de deux heures d’entretien pour une conclusion toujours aussi dérangeante au final.

Afrik.com : Avant tout, précisons que le pré-rapport remis au ministre de l’Intérieur en novembre dernier est une simple mouture. A quand la version finale ?

Jacques-Alain Bénisti : Pour très bientôt. Le rapport définitif paraîtra certainement en octobre ou novembre.

Afrik.com : Votre pré-rapport a été très décrié dans la presse et sur Internet. On vous reproche notamment de stigmatiser les populations étrangères et d’origine étrangère. Quelle est votre position concernant ces accusations ?

J-A. Bénisti : Soyons clairs. La délinquance est majoritairement le fait des immigrés. Selon l’Observatoire national de la délinquance, il y a une augmentation impressionnante des délits commis par les jeunes issus de l’immigration. Je n’invente rien, les chiffres sont là. Sachant cela, deux solutions s’offrent à nous : soit on n’en parle pas, soit on règle le problème.

Afrik.com : A quoi est dû cet état de fait selon vous ?

J-A Bénisti : En fait, la politique française de l’immigration a échoué. Toutes les solutions n’ont pas été données aux immigrés et, aujourd’hui, on en paye le prix. C’est dans cette optique que la proposition de loi intervient.

Afrik.com : Supprimer le bilinguisme pour supprimer la délinquance… ?

J-A Bénisti : Il ne s’agit en aucun cas de supprimer le bilinguisme. Mais le schéma est le suivant : sur une semaine complète, soit 168 h, un jeune d’origine étrangère entendra parler 28 h de français à l’école et 140 h du dialecte de son pays à la maison. Forcément, il va finir par connaître des difficultés scolaires et au bout du compte, décrocher, se replier sur lui-même. Ce qui entraînera encore une augmentation de son retard. Plus grave encore, non seulement ce jeune en difficulté fait des bêtises, mais il nuit aux autres élèves, les faisant même régresser. Mais à force de fustiger le cancre, de l’isoler, son besoin d’exister va trouver son épanouissement dans la délinquance. On peut d’ailleurs le constater par l’augmentation de la délinquance mineure depuis 1996. En ce qui concerne la langue, le jeune ne doit toutefois pas perdre de vue ses origines et son dialecte maternel, comme l’arabe par exemple ou le “ gambara ” (regardant sa collaboratrice), comment dit-on déjà ? Cependant, et j’insiste sur ce point, son apprentissage ne doit se faire qu’à partir de 12 ans, lorsque l’on est sûr que le jeune maîtrise parfaitement notre langue, le français.

Afrik.com : Vous voulez certainement parler du bambara, Monsieur Bénisti. Toutes les études convergent pourtant vers la même conclusion : la langue, comme élément de l’identité, reste fondamentale dans la construction d’un individu. Alors plus encore qu’une question de langue, la délinquance ne tiendrait-elle pas à d’autres facteurs plus notables, comme les difficultés économiques ou la démission des parents ?

J-A. Bénisti : Il y a, bien entendu, divers facteurs qui interviennent dans le parcours d’un délinquant et ceux-ci en font partie. La principale raison reste néanmoins la difficulté d’apprendre la langue, à laquelle s’ajoutent des problèmes d’éducation, notamment chez les Maghrébins et les Africains. En fait, les problèmes se cumulent et les difficultés se manifestent de manière concrète. Par exemple, bon nombre de jeunes ne peuvent passer le permis de conduire à cause de la barrière linguistique et ont donc plus de mal à trouver un travail.

Afrik.com : Dans ce cas, concrètement, quelles sont les solutions que vous proposez d’apporter ?

J-A. Bénisti : Il ne s’agit pas de jeter la pierre aux écoles, mais dans toutes les Z.E.P (Zones d’enseignement prioritaires, ndlr), on envoie des jeunes enseignants qui finissent par saturer de trop de problèmes. Dans ce pré-rapport, nous proposons la création d’une structure au sein de l’école, qui offrirait un programme d’alphabétisation et d’accompagnement des élèves difficiles par un personnel professionnel et adapté : pédopsychiatres, psychiatres, médecins scolaires, professeurs, etc. L’acteur principal de cette structure, avec le jeune en difficulté, serait le référent, qui pourrait être un enseignant à la retraite, chargé de surveiller et de superviser un petit groupe d’élèves difficiles. Ce programme pourrait éventuellement concerner les jeunes dyslexiques, les jeunes en situation familiale difficile ou en échec scolaire, mais resterait essentiellement basé sur les jeunes immigrés car, comme je vous l’ai dit, la délinquance est causée par ces mêmes jeunes. Le maire doit être au cœur du dispositif car il connaît sa population et les problématiques qui la concernent. Il interviendrait en cas de danger de mort, d’inceste, de pédophilie, etc. Les travailleurs sociaux devraient en conséquence partager leur secret avec lui : c’est la notion de secret partagé. A partir de cela, le maire pourrait décider d’un placement par exemple.

Afrik.com : N’est-ce pas là le rôle d’un juge pour enfants ?

J-A. Bénisti : Non, pas spécifiquement. Bien souvent, les travailleurs sociaux hésitent à solliciter un juge. Le maire, qui connaît bien ses administrés, constitue un excellent intermédiaire et déciderait immédiatement de la marche à suivre, dans les cas graves uniquement. Car les familles africaines ne reconnaissant qu’une autorité : “ Le chef de la tribu ”, en l’occurrence, le maire, qu’ils écoutent. Ce système éviterait bien des procédures longues et fastidieuses.

Afrik.com : Vous revenez également beaucoup sur le rôle de l’enseignement professionnel et de l’internat dans votre rapport…

J-A. Bénisti : Les internats sont des structures idéales pour rectifier le tir, et non des lieux de stockage des jeunes en difficulté, comme me l’a reprochée une mauvaise presse. En ne revenant que le week-end dans un environnement peu propice à son épanouissement, le jeune ne peut pas tomber dans la délinquance. Quant à l’enseignement professionnel, il rentre en ligne de compte uniquement quand toutes les autres solutions ont échoué. Dès la sortie de l’école primaire, au lieu de suivre le cycle normal, le jeune de 12 ans entrerait dans une Faculté des métiers, qui sont l’équivalent du C.A.P (Certificat d’aptitude professionnelle, ndlr). En trois ans, il apprendrait à lire, écrire et compter correctement. Pas d’encombrement inutile avec l’histoire, la philosophie, l’anglais ou autre, car ces matières ne lui plaisent pas. Doué de ses mains, il pourrait apprendre le travail du bois, du fer, l’informatique, l’électronique, l’électricité, etc. Tous ces métiers manuels dont nous avons besoin, en somme. La première année, il apprendrait les fondamentaux, pour savoir au moins faire une lettre d’embauche correcte. A 14 ans, il commencerait l’apprentissage de tous les métiers que propose la Faculté. Puis à 15 ans, il pourrait choisir sa voie définitive et faire des stages en entreprise. Enfin, à 16 ans, il entrerait dans la vie active ou continuerait d’aller à l’école. Il faut également souligner l’importance du sport, car le sport peut sauver. Prenons le cas des sports collectifs. Ceux-ci inculquent un esprit d’équipe, une logique de règle. Ils permettent de cadrer les jeunes. Les arts martiaux participent aussi à cet état d’esprit et enseignent une maîtrise et une philosophie de vie. Ils permettent également de récupérer le jeune.

Afrik.com : Quand vous dites “ cadrer ” le jeune et le “ récupérer ”, sous-entendez-vous un contexte de délinquance ?

J-A. Bénisti : Oui. Et à ce titre, il existe une graduation de la délinquance. Pour la replacer dans l’idée du bilinguisme, il y d’abord la consommation de drogues douces, le “ shit ”, pour se valoriser. En effet, le jeune qui a des problèmes d’élocution consomme du shit car il lui permet de mieux s’exprimer. Ensuite vient l’escalade et le jeune se met aux drogues dures.

Afrik.com : Dans le pré-rapport, la courbe (cf page 7 du pré-rapport) occupe une place centrale puisque c’est autour d’elle que s’articulent les explications qui suivent. Quelles en sont les sources ? Quelles études ont été menées sur le sujet, sur quelle longueur de temps et sur quelles populations ?

J-A Bénisti : Ce sont les faits de police qui ont permis d’établir les statistiques de la courbe qui reposent sur toutes les catégories de délinquance par degrés, selon les âges. Les pointillés qui relient la courbe déviante d’un délinquant au parcours normal d’un jeune sont les succès enregistrés de rattrapage des jeunes. Plus les faits de délinquance sont graves, plus il est difficile de les récupérer.

Afrik.com : Vous êtes également maire de Villiers-sur-Marne. Quelles sont les actions que vous menez pour pallier les problèmes d’intégration ?

J-A. Bénisti : Intégration signifie la fin de la délinquance et la fin de la délinquance signifie la fin du racisme. Récemment, le poste de police s’est fait attaqué au cocktail Molotov par une bande de jeunes Africains accompagnés de quelques Maghrébins. Imaginez ce que peuvent alors penser les personnes qui regardent ce triste spectacle par leur fenêtre. En tant que maire de Villiers-sur-Marne, j’ai créé des cours d’alphabétisation, pour les femmes maliennes notamment, et, déjà, il y a des tentatives d’instaurer le français à la maison. Toutefois, les maris maliens sont assez réticents et préfèrent apprendre le “ bamboula ” (lapsus de J-A. Bénisti qui voulait dire bambara, ndlr) à leurs enfants. Les femmes doivent donc trouver des solutions cachées pour continuer à parler français et parler français à leurs enfants. Lors du naufrage de l’Erika, j’ai envoyé des jeunes de la ville nettoyer les plages en échange d’un travail, si tout se passait bien. Hormis un seul que j’ai mis à l’écart à cause d’un petit vol, chacun a respecté sa part du contrat. J’ai donc tenu parole et placé les autres dans les équipes de la mairie. Certains constituent les équipes de « détaguage » (enlever les graffitis, ndlr), d’autres sont dans la sécurité, et d’autres encore ont réalisé leur projet d’ouvrir une boucherie hallal. Je les prends comme des modèles de réussite pour les autres. Quant aux réunions de citoyens et des communautés de la ville, elles nous confirment une chose indiscutable. Par exemple, les Béninois de Villiers sont tout à fait conscients de l’importance d’apprendre impérativement le français aux enfants et plébiscitent largement notre démarche. Ceci est aussi valable pour les Congolais et les Ivoiriens, qui sont par ailleurs très attachés à la France. Il est vrai que le français est déjà incorporé dans l’éducation des parents donc le transmettre aux enfants n’est pas un problème.

Afrik.com : Ce modèle ne peut-il pas s’adapter aux autres communautés, comme celle des Asiatiques par exemple ?

J-A Bénisti : Non, pas vraiment. Chaque origine a sa spécificité. La France doit s’adapter. Par exemple pour la communauté Tamoul, la donne change : l’individu doit s’épanouir dans le travail, à l’identique de toutes les communautés asiatiques. Ils parlent français avec l’enfant, mais lui enseignent également le tamoul, de même que l’arabe pour comprendre le Coran. Et c’est par un travail acharné que l’enfant acquiert toutes ces langues. Quand les autres jouent, lui ne s’amuse pas, il travaille et ne s’arrête que pour manger. Bien souvent d’ailleurs, les Tamouls ou les asiatiques sont premiers de la classe, tout en maîtrisant plusieurs langues. Ce qui n’est pas le cas des Maghrébins ou d’autres.

Afrik.com : Et les parents dans tout ça ?

J-A Bénisti : Beaucoup d’enfants égale beaucoup d’allocations. Je propose dans le rapport de sanctionner pécuniairement les parents dans l’intérêt de l’enfant car les pères de famille sont sensibles à cet argument. Il faut travailler avec les parents et tenir compte des réalités de chaque famille. Fréquemment, la mère est seule car le père est parti au pays ou avec une autre femme. Il y a un manque évident d’autorité. On doit donc aider la mère, qui ne serait jamais sanctionnée financièrement, bien sûr. En fait, il faut faire prendre leurs responsabilités aux mères par une politique de peur et par une politique de pression financière vis-à-vis du père. Cette “ Epée de Damoclès ” est la seule efficace pour inciter les pères à écouter.

Afrik.com : Sur combien de temps ces mesures seraient-elles appliquées ?

J-A. Bénisti : Ces mesures seraient à mettre en place sur un long terme. Au final, le problème de la délinquance serait certainement réglé définitivement en 20 ans. Certes, cela est long, mais il faut penser aux générations futures. Quant au budget que les mesures représentent, il revient moitié moins cher que ce que coûte aujourd’hui la délinquance.

Afrik.com : Projet ambitieux. Enfin, évoquons les annexes, qui occupent une place non négligeable dans le pré-rapport. Quel est leur lien avec le bilinguisme ?

J-A Bénisti : Les annexes concernent les propositions d’une entreprise de sécurité de sites nucléaires pour la protection des espaces et des personnes dans les cités sensibles et n’ont strictement rien à voir avec le rapport. Elles ont simplement été incluses dedans et envoyées au ministre, qui ne les a d’ailleurs pas retenues.

Lire aussi :

Bilinguisme et délinquance : le rapport Bénisti

Consulter le pré-rapport Bénisti

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