Les Africains font souvent preuve d’imagination quand il s’agit de choisir les prénoms de leurs enfants. Influencés par la télévision, l’Histoire ou simples néologismes, ils sont les reflets culturels et sociaux de toute une société. Afrik vous propose une plongée cocasse et originale dans un petit glossaire du continent.
Paul Biya, Sassou, Mobutu ou Jacques Chirac ne sont pas uniquement le nom d’hommes politiques célèbres. Ce sont également les homonymes de nombreux Africains dont les parents ont voulu inscrire leur progéniture dans l’Histoire. D’une manière générale, les prénoms africains, hors des sentiers battus des prénoms du calendrier, témoignent souvent d’une certaine originalité. Panorama.
Fetnat, Bienvenue ou Noël, il n’est pas rare que le calendrier soit la première source d’inspiration pour donner un nom à bébé. Le principe est simple, il s’agit purement et simplement de donner à son enfant le nom qui figure sur le calendrier à la date de sa naissance. Pour peu que l’heureux événement arrive un 7 août (anniversaire de l’Indépendance, 7 août 1960) en Côte d’Ivoire – par exemple – le prénom est, pour certains parents, tout choisi. Ce sera Indépendance ou Fetnat (pour fête nationale).
Jésus Christ Junior
« Les prénoms sont beaucoup influencés par les médias », explique Elisabeth Samnick, chef du service état civil à la mairie de Yaoundé (Cameroun). « A l’époque du feuilleton américain Dynastie, nous avions par exemple beaucoup de petites qui s’appelaient Fallon ou Krystle ( de la toute puissante famille Carrington, ndlr). Nous avons également des enfants qui s’appellent Ahijo (Ahmadou Ahijo, le premier président du Cameroun, ndlr), Paul Biya ou Chantal Biya (couple présidentiel, ndlr).Nous avons même eu un petit Nelson Mandela », explique-t-elle.
Pour autant, l’Etat civil camerounais ne laisse pas libre cours à l’imagination des parents. « Nous refusons les prénoms qui pourront porter ultérieurement préjudice à l’enfant. Nous refuserons que quelqu’un appelle son fils Médor par exemple. » Certaines demandes font l’objet d’une délibération. « Il y a une femme qui veut appeler son fils Jésus Christ Junior, mais nous ne l’avons pas encore accepté. Nous souhaitons d’abord en parler avec elle ».
Staline, Jacques Chirac et Michael Jackson
En République démocratique du Congo, il n’est pas rare de trouver des Mobutu ou des Zidane. « Il y a même des Staline et des Michael Jackson », explique Octave Kambale Juakali, correspondant d’Afrik à Kinshasa, qui avoue même connaître un Tolstoï (célèbre écrivain russe). « Ce sont les vedettes de la chanson étrangère et du sport qui inspirent beaucoup de Congolais. Mais le plus grand vivier de prénoms reste la Bible. Avec la crise, les gens se sont plus réfugiés dans la religion », analyse-t-il.
Jacques Chirac est Congolais et vit à Brazzaville. Le patron de l’Elysée n’a pas caché ses origines et n’a pas non plus de don d’ubiquité. Le fait est que le chef de l’Etat Français, à l’époque maire de Paris, est l’un des puissants symboles de la France. D’où le singulier prénom. On ne se contente pas de prendre un célèbre patronyme et de le transformer en prénom. Il s’agit de prendre le nom entier. A moins que le nom soit assez explicite. Ainsi certains Congolais s’appellent uniquement Sassou, en hommage au Président Denis Sassou n’Guesso.
Patrice Lumumba et Mavie
Les choix des prénoms peuvent parfois attirer la chance. « Nous avions un petit Patrice Lumumba dans le pays, de parents congolais. L’ambassadeur du Congo (RDC) de l’époque avait voulu rencontrer l’enfant, parce qu’il était ému par le sacrifice humain de cette grande figure historique du Congo. Il voulait payer les frais de scolarité de l’enfant. Mais ses parents étaient déjà aisés, donc cela ne s’est pas fait », rapporte Mme Samnick à la mairie de Yaoundé. Tous les pays africains ne sont pas logés à la même enseigne. L’Etat civil ivoirien, par exemple, refuse toute exubérance quant au choix des prénoms. « Nous refusons tous les noms fantaisistes. Nous n’acceptons que les noms qui figurent dans le calendrier ou dans la Bible. Pour les musulmans, en dehors des prénoms usuels, il faut qu’ils nous prouvent l’existence et la provenance des prénoms », explique-t-on à la mairie d’Abidjan.
A l’inverse de pays comme le Gabon où l’on peut, semble-t-il, innover en matière de prénom. Et s’il y a quelque Mavie à Libreville, c’est tout simplement parce que cet(te) enfant « c’est ma vie », vous répondra fièrement la tendre génitrice. Mais tout cela n’est rien comparé au toujours très inventif chanteur congolais (RDC) Koffi Olomidé. Le grand Mopao a tout simplement appelé sa propre fille Didistone Nike. Didi en hommage à son plus jeune frère -décédé- et stone pour Sharon Stone, la sulfureuse actrice américaine. Quant à Nike… Un prénom, pour le moins unique, qui a déjà fait des émules chez les fans de l’artiste.