Ebranlé par les remous au sein de son armée, le président Blaise Compaoré s’est réservé le poste de la Défense dans le nouveau gouvernement burkinabè. Il a été mis en place ce jeudi au terme d’un casting très serré, où aucune place n’a été faite à l’opposition. Le Premier ministre Luc Adolphe Tiao a retenu jeudi 28 ministres commis aux soins d’un Burkina Faso malade.
Le nouveau gouvernement burkinabè abrite un Président et est composé de 29 membres contre 38 pour le précédent. Il avait promis une équipe restreinte, il l’a fait. Luc Adolphe Tiao, le Premier ministre burkinabè, a dévoilé jeudi 21 avril, la liste de la nouvelle équipe gouvernementale. Si le journaliste-diplomate a maintenu 15 membres de l’ancien gouvernement, sa thérapie de choc a surtout éjecté 23 autres de leurs strapontins. Une purge qui a balayé des bonzes comme Yéro Boly, le ministre de la Défense, débordé par une armée déchaînée. Le fantôme de Justin Zongo a aussi fait des victimes. Alors que la thèse de la méningite brandie comme cause de sa mort ne fait plus recette, tous les ministres qui y étaient impliqués, d’une manière ou une autre, ont été remerciés. Seydou Bouda (Santé), Auguste Denise Barry (Sécurité), Joseph Paré et Marie Odile Bonkoungou, les deux ministres de l’Education dont les têtes étaient réclamées par les élèves et les étudiants, sont tombés. Au nombre des partants également, Alain Bédouma Yoda. L’ex-chef de la diplomatie burkinabè paie sans doute pour son long bail ministériel : plus de 13 ans.
La primauté aux fidèles du régime
A force de trop resserrer son gouvernement, Luc Adolphe Tiao, n’a laissé aucune ouverture, surtout pas à l’opposition politique. Exceptés quelques acteurs de la société civile, comme les universitaires Albert Ouédraogo, nommé à l’Enseignement supérieur et Nestorine Sangaré, affectée à la Promotion de la femme, l’équipe Tiao est formée essentiellement des cadres de la majorité présidentielle, le Congrès pour la démocratie et le progrès. Néanmoins, le nouvel hôte de la Primature a eu l’espace nécessaire pour faire de la compétence un critère de recrutement de ses ministres. La majorité des quinze nouveaux sont issus du monde universitaire.
Ces néophytes seront chaperonnés par des caciques de la galaxie Compaoré. Il s’agit d’Arsène Bongnessan Yé, le ministre d’Etat, ministre chargé des relations avec le Parlement et des Réformes politiques. Plusieurs fois ministre et ancien Président de l’Assemblée nationale, il était tombé en disgrâce avant d’être remis en selle par l’ancien Premier ministre Tertius Zongo. Blaise Compaoré a donc décidé de se fier à un vieux compagnon de route pour imprimer le rythme aux réformes politiques et institutionnelles. L’autre revenant, c’est Djibril Bassolet. L’envoyé spécial de l’Union africaine (UA) et des Nations unies au Darfour retrouve son poste à la tête de la diplomatie burkinabè.
Défense : le capitaine Blaise Compaoré à la barre
Si Luc Adolphe Tiao a eu le loisir de faire ce casting ministériel, un acteur semble s’être imposé de lui-même : Blaise Compaoré. Le Chef de l’Etat burkinabè, par ailleurs chef suprême des armées, s’est adjugé le poste de de ministre de la Défense et des Anciens combattants. Mis à mal par la mutinerie d’une partie de son armée, le capitaine Compaoré a décidé de se pencher personnellement sur la question de l’armée. Cette prise en main de la question militaire par le président lui-même, est plus qu’évocateur. Elle traduirait la perte de confiance entre lui et son proche entourage. Déjà, en réponse aux mutins de sa garde, Blaise Compaoré avait décapité le commandement de son armée et placé des fidèles aux postes clés.
« Comment comprendre que Blaise Compaoré n’ait pu trouver parmi ses affidés, militaires comme civils, personne à qui confier l’armée ? », s’interroge Aboubacar Maïga, un chercheur en sciences politiques. « La conservation du portefeuille de la Défense par le Président du Faso est une première dans sa stratégie de gestion du pouvoir. Elle n’est pas anodine. Elle révèle que la crise au sein de l’armée dépasse les revendications salariales ou la solidarité de corps, qui ne sont en réalité que la face émergée des différentes sorties de la soldatesque », commente-t-il. Au-delà, analyse-t-il, cette nouveauté dans la démarche du ministre-président Compaoré, témoigne de la priorité, voire de l’exclusivité militaire qu’il accorde à la gestion d’une crise qui est à la fois sociale, politique et économique. L’opposition burkinabè a appelé ce vendredi à «une grande mobilisation» contre le régime de Blaise Compaoré le 30 avril prochain.
Mise à jour à 23h43