Dans une précédente tribune, j’avais dit combien je croyais dans les technologies de l’information et de la communication (TIC) pour accélérer le développement économique, social et humain dans l’espace euro-méditerranéen, et rapprocher les deux rives. Aujourd’hui, le Cloud computing offre une opportunité nouvelle et unique pour accélérer ce processus, et porte ainsi en lui la promesse de la réduction de la fracture numérique.
Qu’il désigne l’accès via internet à des applications (SaaS, pour Software as a Service), à des environnements de développement (PaaS, pour Platform as a Services) ou à des ressources de type IaaS (Infrastructure as a Service), le Cloud computing est indéniablement une évolution majeure pour les entreprises, les administrations et les particuliers.
Les avantages, nombreux, sont connus : mutualisation du matériel, donc optimisation des coûts, légèreté et souplesse d’une structure disponible sans limite géographique, et tolérance aux pannes. En somme, un parc d’infrastructures partagées et flexibles, simple à mettre en place, sans dépendance technologique ni engagement, n’occasionnant que de faibles frais de fonctionnement et rationalisant de surcroit la consommation énergétique.
L’enjeu de ce nouvel écosystème est sans doute plus grand encore pour les pays émergents
En effet, le nuage (Cloud Computing) devrait redistribuer les cartes, et permettre l’accès des pays les moins avancés, ou en développement, à des technologies de pointe jusqu’ici réservées aux pays développés. Les entreprises locales les plus faiblement capitalisées pourront profiter à plein de la mutualisation du matériel et de l’optimisation des coûts.
Le Cloud Computing paraît d’autant plus indiqué qu’il est une technologie particulièrement bien adaptée aux pays émergents, dont les facultés d’implémentation sont rapides. A l’aube des années 2000, l’avènement de la téléphonie mobile avait permis de pallier le manque, voire l’absence, d’infrastructure de téléphonie filaire dans les pays en développement. Ces derniers peuvent aujourd’hui, en entrant de plain-pied dans l’ère de l’informatique dématérialisée, réaliser un bond technologique similaire.
L’enjeu n’est pas seulement technologique ou économique. Il est aussi, et surtout, social, sociétal et humain. En témoigne des projets conjoints d’Universités du bassin méditerranéen et des Etats Unis, qui prônent le recours au Cloud pour réduire les coûts de l’imagerie médicale. En se connectant à un serveur dans le nuage, un expert médical basé aux Etats Unis pourra interpréter des données récoltées localement à l’aide d’un scanner, et transmettre au personnel soignant sur place un diagnostic, sans nécessiter d’investissement important.
Au cœur de l’enjeu du Cloud : l’Etat
En premier lieu parce que le Cloud est un moyen pour les administrations d’accélérer leur propre modernisation, d’offrir un meilleur service aux citoyens et, par la mutualisation des moyens, de réduire leurs coûts.
Ensuite parce qu’il incombe à l’Etat de montrer la voie de l’innovation et d’inciter les entreprises à bâtir les grandes centrales numériques de demain. En favorisant l’émergence d’une industrie d’externalisation des infrastructures, les gouvernements locaux contribueront à rendre leurs entreprises plus compétitives sur un marché mondial qui devrait progresser de 725 millions d’euros aujourd’hui à plus de 2 milliards d’euros en 2013 selon le cabinet d’études IDC.
A la clé, des créations d’emplois qualifiés, la mise en œuvre et la gestion d’architectures complexes impliquant le recours à l’outsourcing (conseil, installation, déploiement, etc.). Une population jeune, presque née avec Internet, possède justement tous les atouts pour participer au développement d’un secteur aussi porteur, dont elle sera la principale bénéficiaire.
Avec le Cloud, l’apport des TIC dans l’économie des pays du Sud sera donc encore plus significatif qu’il ne l’est déjà.
Enfin, les Etats devront absolument garantir la sécurité du Cloud, notamment pour attirer les clients étrangers. On le sait, les technologies, y compris celles qui sont malveillantes, évoluent plus vite que les institutions n’agissent…
Prouesse technologique, levier de croissance, le Cloud Computing pourrait aussi induire des rapprochements politiques à l’échelon régional
A terme, on pourrait par exemple imaginer le partage d’un Datacenter commun à plusieurs Etats de la région sud de la méditerranée, qui permettrait de fédérer autour de lui, et favoriserait ainsi une intégration régionale plus poussée. Et pourquoi ne pas rêver à un nuage euro-méditerranéen dans le tout nouveau cadre institutionnel de l’Union pour la Méditerranée ?
Etats, entreprises, hommes et femmes… Nous nous devons d’apporter notre concours et notre expertise pour favoriser l’accès rapide du plus grand nombre aux technologies et contribuer ainsi, toujours plus, au rapprochement entre Nord et Sud autour de la Méditerranée.
Car l’intégration de la zone méditerranéenne, j’en suis convaincu, est un formidable réservoir de croissance.
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Frédéric Dussart, est Senior VP d’EMC pour la région EMEA Sud, Afrique et Moyen Orient, membre de l’Institut de prospective et d’étude pour la Méditerranée (Ipemed)