Génie des eaux, devin, mi-homme mi-dieu, tels sont les attributs que l’ont prête, dans certains pays d’Afrique, aux albinos. Recherchés pour leurs soi-disant pouvoirs bénéfiques ou maléfiques, ils sont souvent victimes de sacrifices humains. Pour mettre un terme aux croyances et aux pratiques occultes qui en découlent, des associations se battent au quotidien pour que les albinos ne soient plus marginalisés. Reportage.
Ils sont nombreux en Afrique à être atteints de cette maladie, l’albinisme, qui se caractérise par une absence de pigmentation. Outre les problèmes de vue et les risques de cancers de la peau directement liés à cette infection, les albinos font l’objet de croyances persistantes en Afrique. Malgré des campagnes de sensibilisation, les sacrifices humains ont toujours cours sur le continent (les pays les plus touchés en Afrique sont le Mali et le Cameroun). Ainsi, il n’est pas rare de voir dans les journaux africains, à la rubrique des faits divers, le meurtre d’un albinos.
La persistance des sacrifices humains
L’ambivalence et l’ambiguïté que représente un être blanc né de deux parents noirs alimentent les croyances et les pratiques occultes autour des albinos. Dans la plupart des cas, c’est la femme qui est tenue responsable de cette maladie. « On l’accuse d’avoir dormi enceinte à la belle étoile dans un endroit interdit ou d’avoir été infidèle à son mari pendant la grossesse » explique à Afrik.com Fabéré Sanon, le président de l’association pour les personnes albinos (ANIPA) basée au Burkina Faso. On attribue souvent des pouvoirs maléfiques ou bénéfiques aux albinos. « Ils auraient des forces surnaturelles, ils pourraient prédire l’avenir, jeter des mauvais sorts et apporter la richesse», poursuit M. Sanon. Dans le meilleur des cas, les albinos se font offrir des présents. « Les personnes me suivaient pour me donner des cadeaux pour que je leur porte chance, j’ai toujours refusé » confie Korotomi Traoré, une jeune femme burkinabé arrivée depuis quatre ans en France et membre de l’association française pour les albinos baptisée Genespoir.
Malheureusement, les albinos sont recherchés pour les sacrifices humains, prometteurs en termes d’enrichissement ou d’élévation sociale. « Au moment des compétitions électorales, les albinos sont convoités par les candidats. Pendant cette période nous devons rester chez nous », indique Fédéré Sanon. « Les albinos ne sont plus perçus comme des êtres humains mais comme des objets sacrificiels convoités pour leurs têtes ou pour leurs appareils génitaux, les parties du corps les plus puissantes », ajoute-t-il.
C’est au niveau du corps social que les répercussions sont les plus influentes et les plus fréquentes. Même si cette pratique a tendance à devenir de moins en moins courante, les albinos peuvent être rejetés à leur naissance. « Quand je suis né, mon père ne voulait pas de moi, heureusement le reste de ma famille l’a convaincu de me garder pensant que j’étais une bénédiction », explique Anguy Bajikila Mudimba, le président d’Albinos sans frontières (ASF) en République démocratique du Congo. Souvent, perçus comme un mauvais présage, ils vivent reclus. « Je ne suis presque jamais sortie de chez moi, par peur que l’on me fasse du mal », affirme la burkinabé Korotimi Traoré. Les croyances mènent la vie dure aux albinos. Même en France, ils sont encore victimes de rejet. « Les Africains me regardent bizarrement, ils me toisent. Ils ont peur de moi », confie Mme Traoré. Je suis partie du Burkina Faso pour échapper aux croyances mais elles me poursuivent jusqu’en France », confie-t-elle.
Le rôle des associations en Afrique
« Les superstitutions tendent à diminuer en Afrique car les gens sont moins ignorants et commencent à considérer l’albinisme comme une maladie », explique Fabéré Sabon, le responsable d’ANIPA. « Les associations ont très peu de moyens pourtant le continent est l’un des plus touchés par cette infection », ajoute-t-il. Grâce à des campagnes de sensibilisation dans les villages, les albinos sont de moins en moins perçus comme des êtres à part. Un bon espoir pour les malades qui souhaitent à présent que les gouvernements soient plus attentifs aux problèmes de santé liés à l’albinisme.